Vietnam – 1ère partie

Du 4 février 2018 au 12 février 2018 – Vietnam : Hanoi – Halong – Hagiang

La découverte du nord du Vietnam.

               En ce vendredi 4 février, nous avons quitté nos amis de la Dream Community de Taïwan pour prendre un vol en direction du Vietnam. Le retour sur le continent est pour nous une bonne chose. Après notre deuxième avion du voyage, nous pouvons reprendre nos passages de frontières terrestres et non plus aériennes.

            Pour commencer, juste le nom du pays sonne à nos oreilles comme un rêve d’Extrême-Orient. Rizières, brume mystérieuse, paysages magnifiques, rouleaux de printemps… Nous avons déjà bien des images dans nos esprits quand nous évoquons le Vietnam. Mais nous avons aussi rencontré des voyageurs qui n’ont pas eu une bonne expérience. Notamment, ils ont trouvé le pays ravagé par le tourisme de masse et en conséquence les locaux peu amicaux qui vous considèrent comme des porte-monnaie sur pattes. Nous mettons de coté toutes ces idées afin d’être prêts à découvrir le pays tel qu’il est réellement sur notre route.

            Nous atterrissons à Hanoï tard car notre avion est en retard. Le passage de la douane se passe simplement et nous sommes heureux de récupérer nos sacs. Chanceux nous n’attendons pas longtemps afin d’avoir un bus public pour rejoindre le centre ville. Économique, le ticket est équivalent à 1 euro pour presque 1h de bus. En plus, nous retrouvons le système identique à la Russie, il y a une personne à l’intérieur du bus en plus du conducteur qui vend les tickets et vous indique quand descendre. Plus facile quand on arrive dans un nouveau pays. Les hauts parleurs du bus sont vétustes, la voix qui explique les prochains arrêts et correspondances semble d’un autre temps. Une fois dans la ville, nous traversons les rues obscures. Nous trouvons l’auberge que nous avons réservée. Heureusement, il y a encore quelqu’un à l’accueil (il est minuit passé). Nous ne nous comprenons pas très bien au début mais nous finissons par y arriver. Nous nous couchons exténués dans notre lit double superposé en dortoir. Oui, c’est pour nous la première fois que nous découvrons que les auberges de jeunesse en Asie du sud, pour gagner encore plus de place, ont des lits doubles superposés. Et parfois côte à côte simplement séparés par un rideau. La nuit nous coûte 5 euros pour 2, à ce prix là tout nous va.

                Le lendemain, nous sommes réveillés par les hauts parleurs des vendeurs ambulants. Nos premiers pas de découverte de la ville sont accompagnés par Marie. Nous avons rencontré cette sympathique française à l’auberge de jeunesse. Elle vient de passer 3 semaines au Vietnam et nous conseille ses coups de cœurs. Nous mangeons ensemble dans une petite échoppe. Sorte de cantine populaire se composant de quelques tables, tabourets plastiques et juste quelques plats aux choix. Ici, c’est super, peu cher, l’assiette est composée de riz comme base et ensuite vous choisissez quels accompagnements vous voulez. Le paradis pour nous, nous faisons le plein de légumes. En plus, ils sont délicieusement cuisinés. Marie nous emmène ensuite manger des bons gâteaux dans un salon thé. Intérieur feutré, jolies pâtisseries en vitrine, décoration cosy. On se croirait en France. Ça nous fait tout drôle. Nous nous régalons ! Nous nous permettons même des jus de fruits originaux qui sont de véritables potions vitaminées ! Par contre dehors, les scooters klaxonnent tout le temps, les trottoirs sont impraticables, pas l’idéal pour une petite ballade digestive. Les cinq sens sont sollicités en permanence à haute intensité. Comme c’est le premier jour, il faut prendre nos marques. Comme par exemple le fait que les vietnamiens allument des feux de petites ou moyennes tailles en pleine rue, directement sur les trottoirs, pour brûler leurs déchets. Ce qui nous surprend le plus au début, c’est la quantité de personnes « blanches » de type occidentale dans les rues. Jeunes comme âgées. Nous n’avions plus l’habitude de voir autant de visages occidentaux. Peut être qu’à force d’être entourés de visages asiatiques nous oublions à quoi nous ressemblons. Par contre, une bonne chose, la pluie taïwanaise est remplacée par un temps plus chaud. Cela nous permet de sécher un peu nos vêtements. Petit plaisir d’avoir des vêtements et chaussures propres et dépourvus d’humidité.

                 Hanoï est une ville particulière a bien des égards. Rares sont ces lieux qui en une seule journée font un tel effet, à tel point que les yeux fermés nous la reconnaîtrions. Capharnaüm pourrait être un autre nom de la ville tant il y a d’énergies diverses. En première place, les deux roues. C’est simple, il y aurait au Vietnam en moyenne un scooter pour deux habitants et Hanoï en est le parfait exemple. Ils circulent partout, routes, trottoirs et rails de trains. Transportant 2,3,4 voir 5 passagers. Ou alors ce sont les marchandises, des tours de cartons, des animaux (poules, chiens…), des arbres en pot, des bonbonnes de gaz… Le vieux Hanoï est un essaim géant au vrombissement sempiternel. Outre l’air carbonique, se joignent à ce concert dissonants les klaxons des nombreux bus, taxis et voitures (sans omettre évidement les scooters). Ça klaxonne partout incessamment de différentes tonalités. Il y a tellement de bip-bip que Coyotte serait au paradis (blague d’Aurélien). L’agent de circulation s’époumone dans son sifflet pour faire attendre sa voix. Pour traverser, car les feux rouges sont bien souvent ignorés par les deux roues, il faut imiter les scooters : zigzaguer entre eux, entre routes et morceaux de trottoirs. Avec une autre règle, est que le sens de circulation ne semble pas universel, mais bien dépendre du choix de chacun. Rouler à contre sens ou à travers la route est naturel dans les rues de la ville.

                   Quand ce ne sont pas les nombreux scooters qui sont sur les trottoirs, ce sont les petites terrasses improvisées. Toujours avec leurs mini chaises bleues et leurs tables basses, les vietnamiens aiment bien manger en groupe ou partager un café pour faire la conversation. Il est vrai que le café vietnamien est excellent, corsé et intense en goût. Beaucoup aussi fument nous ne savons quelle herbe précisément dans des bangs artisanaux. En tout cas il y a beaucoup de monde dans les rues du vieux Hanoï qui a gardé ses habitations coloniales. Le quartier a du charme, le drapeau national est présent en nombre. Comme les femmes (parfois les hommes) qui marchent avec un balancier sur l’épaule remplis de marchandises. Ce balancier, qui doit être parfois très lourd, repose sur une seule épaule. Ils avancent, chapeau pointu sur la tête, en annonçant à haute voix ce qu’ils vendent. La plupart du temps ce sont des fruits et des légumes. Il y a également de nombreuses contrefaçons dans les magasins de sacs à dos et vêtements de randonnée. Très certainement que la qualité technique est équivalente. Dans les rues, tous les commerces sont possibles. Celui qui nous étonne à chaque fois est le coiffeur. De la coloration à la coupe de cheveux, tout se fait comme dans un salon. Hanoï est une ville intense et à la fin de cette première journée nous sommes vidés.

              Le dimanche, nous peaufinons notre dossier de demande de visa chinois. Les parents de Barbara arrivent le mardi 13 février à Hanoï pour passer deux semaines avec nous. Nous avons choisi d’arriver une semaine avant eux afin d’avoir le temps pour effectuer cette démarche. Tout est prêt. Le lundi matin, c’est parti, direction l’ambassade de Chine. Nous ne sommes vraiment pas sûrs d’obtenir nos visas mais il vaut mieux essayer que de ne rien tenter. Ces derniers mois, nous avons lu beaucoup de témoignages de voyageurs expliquant que leurs tentatives avaient échoué. Au Japon, il nous a été recommandé de déposer notre dossier à Hanoï, et que cela devrait aller. Assis depuis peu dans la salle d’attente, nous passons assez vite. La dame au guichet prend notre dossier entre deux soupirs. Il manque deux petites cases à remplir, elle feuillette et vérifie tous les documents. Elle regarde nos visas précédents. Sans rien laisser paraître nous espérons que nos visites de la Turquie et de l’Iran ne posent pas problème. Deux coups de tampons, elle nous tend deux récépissés roses et nous dit de revenir jeudi. Parfait. Nous ne savons pas si c’est oui ou non, mais au moins nous aurons la réponse rapidement. Pour échapper à Hanoï, nous décidons d’aller voir la baie d’Ha Long en attendant. Nous réservons deux places pour le lendemain dans un bus auprès d’une des agences du centre ville (il y en a des centaines). Il vaut mieux en faire plusieurs avant d’acheter les tickets car les prix vont du simple au quadruple pour le même service. Nous rentrons faire nos sacs tout heureux d’aller découvrir la célèbre baie. A coté de l’auberge de jeunesse, nous avons découvert un restaurant où tout est délicieux. C’est Co’m Pho’ (adresse 12 ly quoc su). Cela devient notre adresse préférée et le phô Rau (soupe de nouilles et de légumes) notre gourmandise. Au Vietnam, culinairement, nous sommes aux anges tant il y a plein de verdure.

             Le 6 février, nous sommes prêts. Normalement, on vient nous chercher à l’auberge pour nous amener au bus. Au Vietnam c’est la pratique quand vous réservez par une agence. C’est parti, nous montons dans le bus et récupérons d’autres personnes. Mais nous nous rendons vite compte que tout le monde a réservé un tour organisé pour faire du bateau dans la baie d’Ha Long et retour à Hanoï ensuite à la fin de la journée. Le tout compris quoi. Nous, nous ne souhaitons qu’aller à la ville d’Ha Long pour voir la baie depuis la plage. L’autre détail qui nous préoccupe est qu’il y a trop de monde dans le bus pour le nombre de places assises. Le guide nous demande de descendre et nous fait monter dans un autre bus. Ayant l’habitude de faire les choses par nous même, pour une fois que nous passons par une agence, nous sommes entièrement confiants dans le service que nous avons payé (du moins nous nous efforçons de l’être). Après tout le guide du premier bus a expliqué à la guide du second bus pourquoi il nous transfert et nous a confirmé qu’ils nous déposeront à la ville d’Ha Long.

            Le trajet se passe bien dans l’ensemble, la guide n’est pas avare d’explications. Par la fenêtre il y a de nombreux champs de rizicultures. Les maisons ont souvent la même forme architecturale qui nous semble héritée de la présence passée des français. Elles s’élèvent sur quelques étages, très étroites mais longues avec un toit à double pentes. La pause-pipi est aussi une pause touristique si nous en jugeons par la durée de la pause et des boutiques où nous sommes. Plus loin sur la route, nous demandons à la guide où est-ce qu’ils nous déposeront dans la ville d’Ha Long. Elle nous demande de répéter, nous répétons. Elle parle avec le chauffeur qui semble agacé dans sa réponse. Pas de réponse pour nous. Du coup nous disons que la gare de Ha Long sera très bien, de là nous nous débrouillerons. La guide reparle au chauffeur doublement plus agacé. Finalement elle se retourne vers nous : « Nous n’allons pas à la ville d’Ha Long ». Calmement, nous demandons quelle est leur destination. Ils s’arrêtent à plus de 15 kms avant la ville, pour déposer les passagers à l’embarcadère des bateaux pour les excursions organisées… Heu, oui, très bien mais nous, nous avons payé un ticket de bus pour aller à la ville d’Ha Long. La guide ne veut rien savoir, et le chauffeur encore moins. Le ton monte. Elle dit qu’elle n’est responsable de rien, encore moins de nous qui ne sommes pas ses clients. Nous rétorquons qu’elle a été payée par son collègue pour nous déposer à Ha Long, que ce n’est pas notre faute non plus si nous nous retrouvons dans son bus. Dialogue de sourds. Nous proposons une solution    alternative en demandant d’être déposés à une gare sur la carte (ce qui ferait un détour de 10 mins pour le bus). Rien à faire, elle s’énerve, le chauffeur tourne vers l’embarcadère et s’arrête. C’est maintenant si nous voulons descendre ou alors nous allons jusqu’à l’embarcadère qui nous éloigne encore plus de la ville.

                   Il repart, nous crions stop. La situation est tout simplement un gros foutage de gueule… Nous disons à la guide que ce n’est pas normal ce qui se passe. Elle nous répond que de toute façon elle s’en fout, elle ne s’occupe pas de nous car nous n’avons pas réservé avec son agence. Qu’elle nous a pris dans son bus pour aider l’autre guide au bus sur-réservé (en échange d’argent rappelons le). Oui mais nous avons quand même payé pour aller jusqu’à la ville… Résultat, nous nous retrouvons donc sur le bord de la route à 15kms de notre destination finale. Il fait très chaud, 5kms nous les ferions à pieds, mais 15 ça prend du temps. Comme par hasard il y a des chauffeurs de taxis à ce rond-point où il n’y a rien. Ah si, un petit groupe composé de 2 allemandes et un couple de français avec une petite fille. Nous comprenons que nous avons subi une pratique plutôt très courante en fin de compte… car ils sont tous dans le même cas que nous ! A cet instant, nous découvrons ce qui avait agacé d’autres voyageurs au point de ne plus vouloir venir visiter ce pays. Pour nous ce n’est pas pire que le bus à la frontière en Géorgie qui n’est jamais venu. Mais c’est bien la première fois qu’une chose pareille nous arrive. Les chauffeurs de taxi exigent forcément une somme astronomique. Nous décidons de marcher ensemble vers le centre ville.

               Après une dizaine de minutes, un mini bus nous propose de nous emmener. Barbara négocie un tarif pour tout le monde (nous sommes 7 c’est plus facile). Tout le monde embarque pour un prix dérisoire. Nous échangeons nos contacts avec nos copains de galère afin de se revoir le soir pour manger ensemble. Ils descendent à l’entrée de la ville, nous allons de l’autre coté. Les personnes du bus nous font signe de descendre en même temps (on a compris qu’ils auraient bien voulu nous demander davantage d’argent finalement mais en négociation la règle universelle est : topé c’est topé). Nous faisons semblant de ne pas comprendre en leur montrant que nous descendrons plus loin. Cette fois il n’y a pas d’agence, les rênes du trajet c’est nous qui les tenons. Comme ils ne s’arrêtent pas dans la ville, nous leur indiquons un point de chute qui convient aux deux parties. L’avantage c’est que ça nous a bien rapproché de notre hôtel mais nous sommes sur une grande route et ce n’est pas pas l’idéal pour marcher. Nous commençons à descendre par la bretelle d’accès ce qui nous fait un sacré détour à pied. Aurélien voit un escalier en hauteur dans la colline que la route contourne justement. Notre hôtel est derrière dans la ville en contre-bas. Nous tentons l’ascension afin de couper à travers. Héhé ! On est des petits malins nous. Après une courte échelle, un peu d’escalade, l’ascension de marches si étroites qu’il n’y a que l’espace des jambes, nous découvrons un large chemin de terre qui mène vers le sommet. Le même sentiment de liberté qu’à Budapest nous habite (confère l’article sur la Hongrie), nous baptisons la colline « Montagne de la liberté » ! Le chemin mène à une maison où un chien aboie, puis nous traversons la cour d’un jardin d’un hôtel qui semble à l’abandon. Et nous arrivons sur : la route ! De notre mésaventure nous en tirons des sentiments de joies ! Nous n’avons plus qu’à descendre jusqu’à notre adresse. Pour 1 euro nous arrivons au Alex Hostel, dans la ville d’Ha Long. Que d’aventures ! Ça nous a bien fait rigoler cette histoire mais nous repensons à Alyzée et Seb avec la petite Anna qui n’a que 3 ans. Leur bus n’a eu aucun scrupule à les jeter comme nous sur la route. Avec l’enfant.. L’argent fait vraiment faire n’importe quoi aux humains.

                Après avoir poser nos sacs, nous déjeunons et partons voir la baie d’Ha Long depuis la plage. Disons le franchement, nous sommes curieux de la baie pour deux raisons : la première pour son incroyable beauté naturelle, la seconde pour constater les conséquences de sa forte attractivité touristique. Immédiatement nous avons notre réponse, outre les nombreux hôtels en tous genres et en tous styles, il y a un immense parc d’attraction « Sun World » et des hôtels qui barrent le front de mer. Impossible d’accéder à la plage. Nous ne voyons…rien du tout à part du béton. En plus le parc est fermé pour entretien, de l’autre côté ce sont des bars qui se construisent, puis des plages privatisées par les complexes hôteliers. Nous revenons autour du parc où il y a un jardin floral avec des sculptures végétales de monuments du monde. Par hasard, deux jeunes vietnamiens de 23 ans nous abordent pour pratiquer leur anglais. Avec plaisir. Ils nous demandent si nous avons besoin d’aide. Nous expliquons que nous souhaitons aller sur la plage. Le plus aguerri des 2, heureux de pouvoir nous aider, nous montre un passage derrière les palissades du parc d’attraction. Nous avions repéré le passage, mais n’avions pas osé. En marchant, nous discutons de leurs études en tourisme, de leur vie d’ici. Nous les aidons sur la prononciation, et particulièrement pour le « th ». Sur la route, un scooter passe et notre « Sin Tchao » (bonjour) fait sourire les deux passagères. Après une courte marche, nous arrivons à la plage qui est en saison d’hiver. C’est à dire bains de soleils déserts. Au loin, sur la ligne d’horizon, dans une demi-transparence nous découvrons : la baie d’Ha Long ! C’est magnifique ! En léger contraste de couleurs bleu-gris apparaissent les formes géométriques des pics de karstiques. Nous restons à contempler la baie et nos compagnons devinant notre émerveillement nous saluent avant de nous quitter. Nous prenons une photo ensemble pour les remercier. Nous replongeons ensuite notre regard dans ces tâches de couleurs sur la ligne du lointain. Nous n’étions pas pour, mais la beauté de la baie est un chant aimantant. Cette vision nous enchante au point de nous décider pour faire un tour de bateau le lendemain.

             En revenant, nous faisons le tour des agences. Nous commençons à bien comprendre le principe du prix toujours à la tête du client. Ou parfois à ne pas comprendre comme notre hôtel qui nous propose un prix 50% supérieur aux autres pour les mêmes prestations. Nous réservons auprès d’une dame sympathique et qui nous propose le meilleur prix (en plus avec toutes les activités). Nous retrouvons Alyzée, Anna et Seb pour manger et boire un verre ensemble. Nous avons des parcours de vie différents et c’est enrichissant d’en apprendre de chacun. Les deux allemandes nous rejoignent. Nous passons une super soirée qui finit dans le noir. Tant pis pour la photo, il y a une coupure de courant dans tout le quartier. L’éclairage public se rallume mais pas l’intérieur où nous sommes, et nous comprenons que nous sommes les derniers clients. Cela signifie que nous devons partir (il est à peine 22h). Sans électricité, l’addition est manuelle. Nous réglons mais étrangement même si tout le monde a mis un peu plus que sa part… il manque de l’argent. Nous comptons plusieurs fois. Oui, nous avons tous payé plus que ce que nous devions mais les gérants nous disent que nous n’avons pas tout payé. Cela dure un moment, ils commencent même à lever la voix. Ok, ça recommence les arnaques, ils vont réussir à nous dégoutter de leur pays. Nous partons, c’est bon ça suffit. Deux fois dans une journée alors que de tels événements ne nous étaient jamais arrivés dans le voyage. Nous sommes gentils mais là c’est trop.

               Le lendemain matin, le bus passe nous prendre à notre hôtel. Au vue des expériences de la veille, nous ne sommes qu’à moitié détendus par rapport à la journée qui s’annonce. Pour nous, c’est exceptionnel que nous nous offrions ce genre de plaisir car notre budget ne nous le permet pas forcément donc nous aimerions que cette journée se passe bien. Le bus s’arrête à divers hôtels puis prend la route de l’embarcadère (ha le fameux ;D). De chaque côté de la route, des hôtels en construction sans discontinuer, ou parfois à l’arrêt. Nous arrivons au Dao Tuan Chau Terminal qui est noir de foule. Avons nous eu raison de faire une telle excursion ? Seule la journée nous le dira, mais pour l’instant, notre guide est clairement peu enthousiaste, il nous guide au minimum, se contentant de « suivez moi » et « dépêchez vous ». Nous arrivons sur le quai, tous les bateaux se ressemblent. A l’inverse de toutes les photos présentées par les agences, aucun n’a de une voile…Le guide nous fait monter dans un des innombrables bateaux et nous explique la journée : bateau, visite d’une grotte, déjeuner, kayak, visite d’une île, retour. Nous lui signalons que nous mangeons végétarien (au Vietnam c’est si facile et si bon de manger végétarien)… Il grogne. Super ! La foule, Grincheux, les bateaux qui polluent et puent le fioul ! Ça va être chouette comme journée et en plus, il fait très froid. Nous sommes placés à coté de la porte ouverte parce que nous ne sommes que 2… Notre groupe se complète petit à petit. Au bout d’un moment, nous partons enfin en nous insérant dans la file des bateaux fumant. Une fois en mer, nous pouvons nous asseoir dehors, sur le pont supérieur pour aller voir le paysage. Et disons le honnêtement : c’est grandiose ! Les pics karstiques peuplent les eaux devant nous. Curieusement, nous nous retrouvons absolument seuls. Nous entrevoyons les autres bateaux qu’occasionnellement et nous sommes la plupart du temps seuls Le silence est incroyable, nous glissons sur l’eau alors que nous passons entre les premiers géants de karst.

               Derrière les premiers pics et nous découvrons des nouveaux aux formes différentes à chaque fois. Tout touffus qu’ils sont d’une improbable végétation, ils laissent apparaître leurs couleurs : nuances de gris et de blancs. Ils se reflètent dans la couleur vert bleu opaque. Brièvement nous retrouvons la foule de bateau autour de deux rochers célèbres (présents sur un des billets de banque du pays) qui se font face. Et puis nous retrouvons le silence de la baie. Les pics semblent des têtes animales solitaires. Ou parfois leurs corps. Ils sont hauts et leurs courbes sont un constant spectacle pour les yeux. L’atmosphère est mystérieuse. En plus nous avons de la chance, les autres passagers sont tranquilles et nous sommes souvent seuls sur le pont. De temps en temps il y a des pêcheurs dans de petites embarcations. Nous nous arrêtons comme annoncé dans une grotte. Là nous retrouvons la foule et la grotte ne vaut clairement pas celles que nous avons déjà visitées en Europe. En remontant sur le bateau, c’est l’heure du déjeuner. On nous invite à nous asseoir à la table de 3 autres personnes. Nous commençons à discuter et nous apprenons que nos trois compagnons de table habitent à Rosas en Espagne pas très loin de la frontière française. Clin d’œil à la famille d’Aurélien qui connaissent tous Rosas. Laurence est française, Mauri et Miguel sont espagnols. Nous passons un super déjeuner en leur compagnie aux sonorités du sud de la France. En plus c’est très bon.

                En guise de dessert, nous sommes débarqués dans une ferme de perlicultures. Ils nous expliquent les différents coquillages, les différentes perles produites, comment est inséré l’agent pathogène contre lequel le mollusque essayant de se défendre, et créera la perle. Au tableau final, la guide ouvre un coquillage vivant. Avec un couteau elle soulève une partie du corps du mollusque, une perle apparaît. Elle tranche les attaches corporelles qui gicle d’un sang orange. Elle est toute sourire avec la perle entre les doigts. Barbara connaissant le processus a préféré regarder ailleurs mais Aurélien le découvre écœuré et l’estomac retourné. Si un mollusque ne crie pas, cela ne signifie pas qu’il ne souffre pas, de le voir ainsi sanguinolent le répugne. Ferions-nous de même avec un chat ou un chien ? « Mesdames et messieurs, devant vous nous coupons une patte de l’animal vivant pour une perle ? ». Assurément non. Au moins ne pourraient-ils pas tuer le mollusque avant l’extraction de la perle. Pour nous changer les idées, c’est le moment de faire du kayak. Euh… il fait 10-15 degrés !?! Bon, c’est parti. Et puis Aurélien est tout impatient. Outre le besoin de prendre l’air, il adore cette activité. Peu de personne ont accepté la ballade alors nous voilà vite seuls à explorer les eaux turquoises au milieu des pics. Le kayak c’est la plus belle manière d’explorer la baie. Au plus près de la surface de l’eau, la hauteur des pics est enchanteresse. Tout y est encore plus calme. Le lieu devient magique, le chant silencieux des roches résonne en nous. Nous voudrions nous y perdre absorbés par ces couleurs en demi-teintes. Mais il faut déjà revenir au bateau. Nous naviguons sans nous lasser de cet incroyable paysage. Après cela, nous faisons un dernier arrêt sur l’ile (dont nous avons oublié le nom) d’où il y le point de vue touristique de la baie. C’est une belle vue sur la baie d’Ha Long. En plus, le soleil montre son nez. Les couleurs changent et dévoilent de magnifiques paysages.

                Sur le chemin du retour, nous apprenons par Laurence, Mauri et Miguel pourquoi peu de personnes ont fait du kayak. Tous simplement parce que ce n’était pas inclus dans leur excursion. Pire, c’est leur cas et en plus de ne pas être inclus, ils ont payé presque le double du prix que nous avons payé. Ils n’avaient pas fait le tour des agences comme nous car il était tard quand ils sont arrivés. Par curiosité, nous demandons au guide combien il y a de bateaux en saison pleine : « plus de 500 » C’est dix fois plus qu ‘aujourd’hui. Cela doit être un enfer ! Nous comprenons le ressenti de beaucoup de voyageurs qui sont venus et ont détesté car il y avait trop de monde. Un jour comme aujourd’hui, la ballade était très agréable. Nous avons subi la foule juste à la grotte et au point de vue mais le reste de la journée nous avons toujours été plutôt seuls. Cela nous rend un peu triste car au Vietnam nous constatons les effets néfastes du tourisme de masse. Le littoral est saccagé. Des complexes hôteliers poussent de partout, les bateaux qui emmènent les touristes polluent énormément et certains endroits se transforment en une mer de déchets plastiques et de canettes qui flottent à la surface de l’eau. Nous avons bien évidement conscience qu’en faisant ce tour nous participons à ce désastre. C’est une des raisons principales pour laquelle nous visitons habituellement par nous même sans faire ce genre d’activités touristiques. Nous prenons les transports en commun au maximum et choisissons des activités sans impacts négatifs pour l’environnement (ce qui se résume le plus souvent à utiliser nos pieds c’est à dire la randonnée). Mais soyons honnête aussi, cette journée a été merveilleuse! La baie d’Ha Long est un trésor naturel, comme tous les trésors il attire les grandes foules. Nous avons adoré pouvoir voir la beauté de la baie grâce au bateau donc …. l’équilibre n’est pas évident.

                   Le jeudi 8 février, nous rentrons à Hanoï. Après une sieste nous allons déjeuner. Nous ne dormons pas dans le même quartier que la première auberge, donc nous allons au hasard pour trouver un restaurant pour ce midi. Généralement, nous aimons changer de lieu de couchage pour voir un différent quartier de la ville. Et celui-ci est dans les rues des boucheries et poissonneries. Assis sur des sièges très bas, sur des larges plaques rondes de bois, les viandes et poissons sont coupés à même la rue. Au parfum des gaz d’échappements, les morceaux de chairs sont ainsi vendus ou cuits. D’ailleurs les gargotes locales ont souvent des mini-barbecues pour les griller à même la rue, les fumées de cuisson étant poussées par un ventilateur. Nous nous arrêtons dans un petit restaurant qui ne sert que des nems. Car oui le nem ne se trouve pas en Chine (ou peut être juste au sud-est), il est vietnamien comme le rouleau de printemps. D’ailleurs les nems et rouleaux de printemps sont ici la même chose, la différence est s’il est frit ou frais. Et disons le honnêtement ceux que nous mangeons ce midi là sont succulents !!! Nous engageons la discussion avec le couple de sexagénaires assis à la table d’à coté. Lorraine et Pierre sont québécois. Le voyage est plaisant pour cela : les rencontres. Vous vous asseyez et voilà vous avez une conversation passionnante avec des inconnus. On adore ! Nous en apprenons beaucoup sur le français au Québec. Au passage, ils cherchent à échanger pendant un mois leur maison au Québec avec quelqu’un dans le Sud de la France, si l’aventure canadienne vous dit, nous avons leur contact. Ce sont de belles personnes.

              Ensuite, nous filons à l’Ambassade de Chine. Le stress court dans nos veines, nous allons savoir si nous avons oui ou non nos visas. Nous arrivons en avance, il y a un peu de monde. Pour la première fois de nos nombreuses aventures administratives, à 15h, à l’ouverture des portes pour la restitution des visas, sans raison l’agent de sécurité nous fait passer devant tout le monde. Tout le monde suit derrière nous, alors que nous avons la chance de recevoir le deuxième numéro pour les dossiers étrangers. Oui car avant nous il y a un groupe de trois dames. Cela devrait aller vite. 5mins…10mins…15mins…20mins…nous restons flegmes en apparence… Ça y est , c’est notre tour après trente minutes ! La femme au guichet nous dit que nos visas sont prêts ! Feux d’artifices chinois dans nos têtes…mais il faut aller payer à la banque de Chine les 30$ de chaque visa. Ok, tout heureux nous sortons mais le papier et les indications n’étaient pas très clairs. Nous commençons à marcher en demandant notre chemin. Un taxi-scooter ne nous lâche pas, la banque serait à 4km. En plus il a des dollars, il a un reçu qui prouve qu’il a l’habitude. Bon 4 km nous ne savons si c’est la vérité, ça serait bête de payer une course inutile. Aurélien choisit d’y aller en courant car l’heure tourne et nous souhaitons récupérez nos passeports avant la fermeture. Courir lui manque c’est l’occasion ! Il fait chaud et courir en chemise pantalon, sans parler de la pollution, ce n’est pas l’idéal. Mais en chemin, il demande plusieurs fois s’il est toujours sur la bonne direction, les vietnamiens lui confirment que oui et sont à la fois tout amusés de le voir galoper. Rires partagés ! Après dix minutes, des policiers lui disent que la banque est à plus de 2kms. La banque était bien à 4kms.. Il négocie un scooter-taxi pour l’aller/retour. Comme dans les films à la poursuite d’un méchant…en fait non, il y a tellement de circulation que le scooter peine à zigzaguer dans les bouchons. Heureusement que les trottoirs servent de piste non-officielle aux scooters. Une fois arrivé, il effectue la démarche et paie. D’autres européens (français et allemands) arrivent pour la même démarche mais ils n’ont pas de dollars pour payer et sont scandalisés ! Cela fait trois jours qu’ils ont un reçu avec écrit « Payment : 30$ »… Aurélien n’a ni de monnaie d’échange ni le temps. Pour le retour d’ailleurs, cette fois le scooter prend des raccourcis dignes de films où les quartiers ne ressemblent plus à une capitale. En scooter, on prend encore plus la mesure de la densité de la circulation, une fourmi sur roues dans une immense fourmilière. Retour à l’ambassade (le chauffeur demande plus mais topé c’est topé), en échange de notre reçu la dame nous donne nos deux passeports avec : nos visas chinois ! OUI !!! Champagne ! Gambey !!! Nous repartons en sautillant, trop heureux de cette bonne nouvelle. Le soir, nous retournons manger dans notre restaurant préféré Co’m Pho’ à coté de notre ancienne auberge. Dîner de fête.

                Le lendemain, après un bon petit-déjeuner, nous prenons un bus public pour aller à la gare de My Dinh. Au guichet, la personne nous dit prochain départ pour Ha Giang dans 15minutes. Parfait ! Cette fois pas d’agence donc pas d’arnaque, nous faisons à notre habitude c’est à dire par nous même. Et ce n’est pas plus compliqué, et c’est même mieux. Le bus public par exemple vous en apprend plus sur la vie locale qu’un taxi. Le bus a une configuration particulière, c’est un bus couchette mais de jour… Oui, c’est une spécialité vietnamienne aussi. 7H de voyage allongé. Il faut se déchausser pour rentrer dans le bus qui est disposé en trois rangées sur deux niveaux. Entre deux petits couloirs de tapis mousses. Les sièges ressemblent à des luges pour gabarit vietnamien, c’est à dire un peu petit pour Aurélien. Dans notre voyage, les capes de pluie de nos sacs servent plus comme « cape anti-crasse ». Au Vietnam les soutes de bus sont particulièrement sales, pour préserver nos sacs, ce sont à nouveaux nos « capes anti-crasse » qui se collent au travail. Les paysages sont beaux, de nombreuses rizières remplies d’eau reflètent le ciel comme des éclats de miroirs. En 7h de route, nous avons eu le temps de faire la sieste mais c’est sans compter que le chauffeur, comme la plupart des vietnamiens, klaxonne toutes les 2 secondes ! Plusieurs fois nous avons fait le compte : 30 klaxons par minute en moyenne (avec des pics de « klaxonimatose » dans les nombreux centres de villages). Ce qui fait mis bout à bout du trajet 3h30 de klaxons non stop, ou 12600 gestes compulsifs  ! Dur dur ! (pour rappel, c’est un klaxon de bus, donc fort…). Le plus surprenant est que nous nous arrêtons en route de nombreuses fois pour prendre de nouveaux passagers. Toutes les couchettes étant occupées, ces derniers s’entassent assis en file indienne sur les passages. Avec la nuit et de l’audition en moins, nous arrivons dans la petite ville de Ha Giang située complètement au nord du pays, presque à coté de la frontière chinoise.

           L’auberge de jeunesse où nous arrivons est censée être « the place to be » : super ambiance, rencontres de voyageurs et supers conseils pour visiter la région. Comme souvent nous constatons que nous n’avons pas tout à fait les mêmes attentes que certains autres… Les voyageurs sont pour la plupart des routards qui se la raconte , les conseils sont quasiment inexistants si nous ne prenons pas la formule « classique », et les prix sont clairement élevés pour des conditions spartiates. Les volontaires occidentaux qui y travaillent font à peu près les efforts pour les conseils mais les vietnamiens qui la tiennent aucun. Le nord du Vietnam, et particulièrement la région de Ha Giang est réputée pour ses magnifiques paysages et ethnies locales. Pour en profiter pleinement, le mieux, en nous renseignant nous apprenons que c’est de louer des motos et de faire un tour d’au moins trois jours dans les montagnes. Malheureusement nous n’avons pas assez de temps mais tous insistent en nous disant que c’est « le truc à faire ». Oui mais vu que nous n’avons pas ces trois jours, nous ne pouvons pas. Naturellement nous posons des questions sur les alternatives, comme un chemin de trek par exemple. Nous découvrons ici un peu cette ambiance étrange d’Asie du sud, repère de backpackers en recherche d’aventures à prix cassés et sortir des sentiers battus. Ici, il faut louer une moto pour faire un « loop » alors ils le font…. Sauf qu’en réalité, ils font tous le même circuit avec probablement les mêmes étapes. Peut-être qu’avant c’était « hors des sentiers battus » mais aujourd’hui c’est dans tous les guides touristiques.

              Évidemment, nous aussi nous sommes là car nous avons lu le nom de Ha Giang et que cette région suscitait notre curiosité en conséquence. Ce qui nous dérange c’est l’approche, les « manières d’être » de beaucoup. Prenons l’exemple des ethnies locales très nombreuses ici. Clairement il nous a été dit que tel jour il y avait tel marché où nous pouvions voir telles ethnies. Ce qui nous agacent, nous met en colère, c’est que trop souvent les gens qui s’arrêtent dans ces étapes locales (si elles le sont encore…), s’y comportent comme dans un cabinet de curiosités. Ils prennent les locaux en photos comme si c’était des objets, sans demander l’approbation aux personnes concernées, ni le respect d’une certaine distance, passant d’un individu à un autre sans même prendre le temps de regarder son activité ou d’échanger un merci. Certes, cela donne de magnifiques portraits mais nous trouvons cela inadmissible de coller son appareil photo à 1m d’une personne sans rien lui dire. Cela arrive trop souvent sous nos yeux et cela nous répugne. Bien souvent les rencontres avec les habitants sont biaisées. Aujourd’hui, et notamment à cause de la place exponentielle des réseaux sociaux, la monstration est devenue banale. Comme il est devenu aliénant et inhumain de tendre un smartphone pour une photo sans rien demander. Qui parmi ces « voyageurs » aimeraient être pris en photo de la sorte à son travail ou dans sa vie quotidienne ? Puis mis en ligne sur un réseau social ? Et encore, nous n’évoquons pas les mises en scènes des touristes dans des vidéos de : « moi je ! mon exploit !… ».

              Toutes ces tentations sont grandes en voyage, encore plus quand il y a ces aspects « exotiques », mais c’est l’impératif du voyageur de ne pas y céder. Un voyage est un chemin éphémère qui doit laisser le moins de traces « négatives » auprès des locaux ou de la nature. Avec la multiplication des smartphones, prendre en photo tout et le montrer aux autres est devenu compulsif. La multiplication entraîne la banalisation. Or le voyage est pauvre quand il se résume à cela. Tout ne doit pas être « capturé » en photo car la vraie dimension du voyage ce sont les sensations, les rencontres, les sentiments. Seuls les mots peuvent les traduire, ou quelques rares représentations visuelles. Là, le voyage est grand car il fait naître l’imaginaire, les rêves. Il fait accepter que tout ne doit pas être vu, tout ne doit pas être montré, car vouloir voyager c’est commencer par rêver. C’est la raison impérative pour laquelle être un voyageur c’est avoir pleinement conscience que le voyage est un chemin éphémère et délicat. Il est nécessaire d’être pleinement respectueux de la nature, des habitants et des animaux si l’on veut que tout perdure.

              Le lendemain, n’ayant pas d’autres choix pour visiter, nous louons deux motos pour aller nous promener. Un des volontaires prend le temps de nous expliquer les endroits sympas à visiter en une journée. La route part vers le nord. Nous longeons une rivière. Nous sortons rapidement de la ville pour découvrir de magnifiques paysages faits de rizières et de champs vallonnés. Les points de vues sont exceptionnels, les rizières font des lignes régulières vertes. Il y a de la fumée, rendant ces décors de montagnes un brin mystérieux. Le nord du Vietnam a un charme d’antan avec ses petits villages, marchés ruraux et maisons en bois. D’ailleurs quand nous les traversons, nous réduisons notre allure, nous avons droit à de nombreuses salutations et grands sourires auxquels nous répondons tout heureux. De nombreux villageois, aux habits différents, portant les fruits de leur travail, se dirigent vers les marchés. Les petites villes que nous traversons (ou plutôt grands villages) sont toutes décorées du drapeau du pays et du drapeau communiste. (Nous vous parlerons un peu plus tard de l’histoire du pays). La semaine prochaine (le 16 février) c’est la fête du têt, le nouvel an en Asie. Cette fête est très importante et est accompagnée au Vietnam par des vacances nationales. Les routes sont toutes bordées de drapeaux pour l’occasion.

              Un peu plus loin, nous nous arrêtons à un café dont la vue est incroyable. Nous surplombons une vallée. La route est très belle. Nous repartons jusqu’à la ville suivante dans l’idée d’y manger. Plusieurs fois nous avons hésité à nous arrêter à des cantines locales. Nous nous arrêtons dans le centre. Les restaurants indiquent des plats occidentaux, d’ailleurs il y en a plusieurs déjà installés en terrasse en train de manger des hamburgers. Aurélien aperçoit des tables avec des vietnamiens de l’autre coté de la rue. Il propose que nous aillons plutôt manger à ce restaurant là. Mais en nous approchant, nous avons un doute. Peut-être que ce n’est pas un restaurant mais un repas de famille. Nous sommes devant et avons la confirmation, c’est une maison et un repas familial. Nous allons rebrousser chemin quand plusieurs des vietnamiens attablés nous font signe de les rejoindre. Nous hésitons car nous ne voulons pas les déranger, mais ils redoublent leur invitation pleins d’enthousiasme. Alors nous nous joignons à eux en nous nous asseyant, deux verres d’eau de vie apparaissent sous nos yeux. Il faut trinquer et boire. Alors Santé ! On nous donne deux bols, du riz, des légumes et de la viande. Il faut que nous mangions, ils insistent tous souriants et heureux de notre présence ! Nous partageons ce même bonheur de ce moment inattendu.

               C’est le repas de famille pour la fête du têt (du nouvel an) qui arrive dans quelques jours. Les anciens ont fini le repas et s’en vont fumer des cigarettes dans l’arrière cour ; Les plus jeunes restent avec nous. Notamment un jeune homme de 23 ans qui est très heureux que nous avoir à sa table. Sa femme attend un petit garçon et il est impatient d’être père. Nous faisons aussi la connaissance de sa grande sœur. Ils sont tous agriculteurs. Avec des gestes ou avec des un logiciel de traduction, nous communiquons assez facilement. Nous leur posons des questions, ils nous expliquent que les conditions de vies sont difficiles. Ils ne gagnent que l’équivalent de 3 euros par jour à ce que nous comprenons. Mais notre compagnon nous dit dans la foulée qu’il ne nous pas ça pour avoir de l’argent de nous et que nous mangions autant que nous voulions. Nous sommes un peu gênés de nos différences de nos niveaux de vie, mais comme ils sont très heureux que nous soyons là, nous profitons de ce beau moment. Ils nous posent des questions sur notre présence ici. Après hésitations, nous leur montrons la carte de notre voyage. Ils sont encore plus excités. En leur expliquant des petites étapes de galères d’auto-stop, ou le froid sibérien, nous les faisons rire. Et encore plus beau, nous avons le sentiment de les faire voyager. Ce repas restera un des moments d’échanges et de bonheur les plus beaux du voyage. Ils nous offrent ensuite le thé avant de repartir. Nous les remercions chaleureusement de leur accueil avant de reprendre la route dans le sens inverse.

Quelques fois, les hôtels ne sont pas très bien pensé…

              Une fois rentrés à Ha Giang, Aurélien souhaite aller voir un lac une quinzaine de kilomètres. Si la route au début est en gravier, très vite il doit prendre une piste de terre sèche et brune. Manque de chance pour lui, il se retrouve pendant plusieurs kilomètres derrière un camion. Finalement celui-ci le laisse passer. Le chemin ressemble à une ruche terreuse tant les nids de poules sont nombreux (ainsi que les poules). Au regard surpris des habitants, il devine aisément que peu de voyageurs passent sur le chemin. Mais ses « sin-tchao » déclenchent des sourires ou répondent à des salutations de mains. Les maisons sont principalement en bois, faîtes avec très peu de moyens. Dans les rizières submergées d’eau, femmes et hommes dos inclinés travaillent à la croissance du riz. C’est un chemin très beau. En bout de piste, car après cela devient un chemin impraticable en scooter, Aurélien aperçoit au loin le lac. Il est trop tard pour le rejoindre, la nuit est entamée. Pendant ce temps Barbara cherche un autre endroit pour dormir. Elle trouve à quelques rues de l’auberge, une gesthouse où la chambre nous coûte le même prix que la nuit en dortoir mais pour une chambre double avec linge de toilette et salle de bain. Aurélien revient couvert de poussière de son excursion.

            Dimanche 11 février, nous nous levons tranquillement puis allons à la gare routière acheter nos tickets pour le bus de nuit du soir. Ensuite, nous louons une moto pour deux afin d’aller voir une cascade et les alentours de la ville. Nous nous arrêtons manger dans un restaurant où un groupe de chinois en week-end nous prennent en photo en nous collant leurs téléphones à 5 centimètres du nez. Nous expérimentons le fait d’être une « curiosité » prise en photo. Bon, nous espérons que ce ne sera pas comme cela tout le temps en Chine. Nous repartons. Nous nous référons sur map.me (une application avec les cartes des pays comme google map). Nous nous trompons plusieurs fois avant de nous engager sur le bon chemin. Nous traversons tranquillement un petit village où chaque personne que nous croisons nous gratifie d’un hello avec le sourire. Nous laissons le scooter pour poursuivre à pied, nous nous promenons entre de superbes habitations en bois et paille. La région compte beaucoup d’ethnies. Nous croisons une petite dame qui nous indique que la cascade est plus loin. Nous ne la trouvons pas, et nous finissons par repartir du village tranquillement. Par hasard, à l’entrée du village, nous tombons sur le belge qui travail comme volontaire à l’auberge de jeunesse et il accompagne un couple en moto. Il nous indique le chemin pour aller à la cascade. Sympa. A part, qu’il retraverse le village à grande vitesse sans faire attention aux habitants. La plupart des voyageurs à motos que nous avons croisé font de même… Pas étonnant que les gens étaient contents et nous souriaient quand nous étions à 5km/h, ralentissant et saluant tout le monde. Nous marchons jusqu’à la cascade. Des poules se baladent de chaque cotés du chemin. L’endroit est très joli. Pas grandiose mais avec beaucoup de charme.

              Une fois rentrés, nous allons à la gare attendre le bus. L’heure arrive. 22h, nous allons installer nos sacs en soute. Nous avons les mauvaises surprises de découvrir que les soutes sont pleines de paniers et sacs en tout genres, notamment de marchandises dans des cartons qui fument. Moyennant confiant nous y déposons nos sacs. L’heure du départ arrive mais nous ne partons pas. Un chargement supplémentaire de cartons, légumes, poules et pleins d’autres merveilles vient d’arriver. Barbara descend pour jeter un coups d’œil à nos sacs afin qu’ils ne soient pas « descendus » plus ou moins par hasard. Pour l’instant nous n’avons eu aucun vol à déplorer mais en même temps nous faisons toujours attention à nos affaires. La soute pleine, les hommes commencent à charger sur le toit du bus. A la fin, l’un fait signe d’y mettre nos sacs. Barbara leur fait comprendre qu’il en est hors de question  ! Nous n’avons pas envie de retrouver nos sacs plâtrés de poussières. Nos sacs retournent… dans une soute vide. Pas super non plus car ils vont sûrement charger d’autres choses. Nous partons et le bus s’arrête tous les 500m dans chaque village, et ils chargent, ils chargent. Au fur et à mesure des chargements successifs, nos doutes grandissent. Nos sacs sont nos maisons. Nous ne tenons plus. Nous allons récupérer nos sacs. Nous insistons pour les prendre avec nous. Ils refusent en rigolant, arguant qu’ils laisserons les sacs dans la soute. Le moment n’est pas très sympa. Mais nos sacs sont trop importants, nous ignorons les conducteurs et prenons nos sacs avec nous. Nous préférons les avoir avec nous plutôt que de passer la nuit à nous inquiéter de ce qui pourrait leurs arriver. Le trajet n’est pas des plus confortables. Surtout pour Aurélien car les couchettes sont à la taille des vietnamiens c’est à dire petites. Le bout de la couchette est en plastique ce qui fait que cela râpe ses tibias. De plus, il fait un froid glacial à cause de la climatisation à fond. Avec un peu d’imagination et pour détendre la situation, nous nous croirions dans un bobsleigh en hiver. Nous nous endormons tant bien que mal en attendant que les heures passent avant notre arrivée dans la capitale. Dans deux jours, Monique et Daniel atterrissent au Vietnam. Nous sommes impatients de les retrouver et de faire ensemble un bout de route !