Aglaja – Reactor Company

Théâtre – Roumanie

Samedi 10 juin 2017 – Festival international de théâtre de Sibiu, Roumanie – Gong théâtre de Sibiu

 

D’après : Aglaja Veteranyi – Mise en scène par : Ștefan Lupu – Par La REACTOR COMPANY

Pour ressituer l’histoire de Aglaja Veteranyi :

                 Aglaja Veteranyi était une comédienne et auteure. Elle est née en 1962 en Roumanie dans une famille d’artistes du cirque. Elle apparaît dans des numéros avec son père dès 1965. En 1967, la famille fuit la Roumanie et s’établit à Zurich. Dès 1979, elle entreprend une formation de comédienne. C’est également pour elle la période de la découverte de l’écriture. A partir de 1982, elle est comédienne et écrivain indépendante. Aglaja Veteranyi s’est donné la mort le 3 février 2002 à Zurich.

              La compagnie s’est inspirée de ses œuvres pour retracer de façon onirique son histoire peu joyeuse. Enfance pauvre, père qui part, mère alcoolique, envoyée en orphelinat et ensuite prostituée. La mise en scène faite avec peu d’éléments est néanmoins très réussie et d’une grande qualité. Sur une scène un peu étroite bordée de pendrillons rouge, sans décors, avec un seul tissu blanc tendu en fond de scène, le spectacle se déroule. Le maquillage et les costumes sont très importants, Aglaja est très maquillée au point qu’elle semble être entre la poupée de chiffons et la poupée de porcelaine fissurée. Le père est lui comme peinturé comme un clown triste, les yeux et le sourire tombant. La mère en femme fatale. La tante est en réalité un homme en tenue de latex et exagère des manières « féminines ». Quelquefois, certains acteurs changent de personnage, comme celui qui joue la tante qui devient le banquier allemand tout stressé, ou encore la matrone de l’orphelinat vêtue d’un costume de truie monstrueuse à plusieurs mamelles.

           L’univers est fort et repose énormément sur le jeu des acteurs. Ceux-ci excellents dans leur performance actorale, ils portent le spectacle avec une incroyable énergie d’un bout à l’autre. Les comédiens vous entraînent dans cette triste histoire avec un univers singulier inspiré du cirque traditionnel roumain. Des passages tristes aux danses macabres, le tout dans un rythme effréné comme si la vie ne s’arrêtait pas de jouer des tours à Aglaja. La mise en scène est très réussie, car elle parvient à mêler les passages oraux, de chorégraphies ingénieuses et de poésie théâtrale sans jamais verser dans le larmoyant. Par exemple, après une discussion de la matrone de l’orphelinat, sur des sons de dessins animés Aglaja l’attaque de plusieurs coups donnés au ralenti et accompagnés d’éclats lumineux. Ensuite la scène redevient normale, c’était juste une parenthèse scénique des pensées d’Aglaja envers la matrone qu’elle déteste. D’une manière générale, seules les projections sur le fond d’écran quelquefois affaiblissent la dynamique du spectacle. La force du spectacle est qu’il repose sur peu d’éléments, d’une certaine manière il est fait de breloques et de deux bouts de ficelles (comme devait l’être le cirque), mais les ressorts de la magie du théâtre sont là.

Extrait :

Démonter la tente du cirque, c’est toujours pareil, c’est comme de grandes funérailles, c’est toujours de nuit, après la dernière représentation dans une ville.

Lorsque la clôture du cirque est démontée, des étrangers s’approchent parfois de notre caravane et pressent leur visage contre la vitre.

Je me sens comme les poissons au marché.

On conduit les caravanes et les cages à la gare avec des lampes qui clignotent, comme un cortège funèbre, puis on les charge sur des wagons de chemin de fer.

Tout se défait en moi et le vent me transperce.

[Aglaja VETERANYI, “Pourquoi l’enfant cuisait dans la polenta”, 1999, traduit de l’allemand par Marion Graf — L’esprit des Péninsules/Editions d’en Bas, 2004, page 37]