Métamorphoses

Théâtre – Roumanie

Samedi 10 juin 2017 – Festival international de théâtre de Sibiu – Fabrica de la Cultura

D’après l’œuvre éponyme d’Ovide – Mise en scène par Silviu Purcărete – Par le Théâtre National de Sibiu

 

               Le lieu où se déroule la pièce est en soit un spectacle. Nous sommes dehors, au milieu d’anciens entrepôts entourés de vieux ponts roulants. La scène est un très grand bassin d’eau. A jardin, un vieux manteau de théâtre avec une petite scène qui avance, au fond, une toile tendue sur un échafaudage de plusieurs mètres de haut. A cour, un autre échafaudage à plusieurs niveaux. Devant, surveillé par un technicien un feu brûle dans un fût en métal. Au centre, plusieurs petites plateformes carrées émergent de l’eau. Le décor est planté, le spectacle promet d’être grandiose.

              Arrive un monsieur Loyal, présentant l’histoire des Métamorphes dans un mix de latin, roumain non surtitré. Autant dire que nous n’avons pas saisi tout le sens. Pourtant une des actrices joue le rôle de traductrice, mais elle traduit le texte en allemand ou une autre langue slave qui nous est encore plus inconnue. Cependant, hormis cette introduction orale, le spectacle peut être compris sans texte. Ils se sont inspirés des Métamorphoses d’Ovide en changeant le contexte, mais les étapes restent inspirées de l’original. Les Dieux ont créé des nouveaux hommes pour voir leurs évolutions. Ils les observent, leur mettent des obstacles et font des expériences avec eux.

              Après cette introduction assez comique, car volontairement surjouée, l’atmosphère change. Du vieux manteau de théâtre, sortent les uns après les autres les créatures (humains non évolués). Ils apparaissent à la file indienne. Comme s’il en sortait toujours plus, nous ne voyons pas la fin de la ligne. Tous en slip de bain blanc, t-shirt blanc et bonnet de piscine de la même couleur sur la tête. D’abord les hommes, qui avancent, hésitant à se mettre à l’eau. Après y être tombés, arrivent les femmes. Réunis, ils sont presque une trentaine, c’est très impressionnant. Après avoir apporté des planchers pour se faire des sortes d’îles sur l’eau, ils s’y installent par groupes. De là, les créatures vivent et évoluent suivant les différentes métamorphes. Découvertes du feu, destruction de nourritures, fête, la séduction, le rejet, la mort, la naissance… C’est une grande fable sur l’Humanité, la découverte de l’altérité et le vivre ensemble.

                Le nombre d’acteurs est visuellement très fort, encore plus quand ils sont dans l’eau à courir dans tous les sens, à jouer d’éclaboussures. Les séquences se transforment facilement en capharnaüm chorégraphié. Le texte est peu présent, le spectacle se déroule par séquence d’actions selon la métamorphose en question. Le jeu repose beaucoup sur les actions métaphoriques, le signifié et la magie du théâtre. Par exemple, dans une séquence tardive, plusieurs acteurs prennent des postures figées. Ils jouent des statuts. Un groupe de trois comédiens autoritaires arrivent pour les détruire. Ils les « démolissent » les sculptures en défaisant leurs postures en trois temps (et accompagnés de sons en direct). C’est très fort poétiquement, il y a une réelle impression qui se dégage, avec ces destructions culturelles sont anéanties dans le même moment l’Être Humain (raisonnance particulière avec la Syrie). Entre eux ils communiquent le plus souvent par sons vocaux, par mimétisme de gestes. Les mouvements de groupes sont audacieux car ils semblent complètement désorganisés. C’est le contraire, comme en atteste les jeux de pyromanies (ils crachent du feu, jouent avec torches enflammées). Les éléments scéniques sont merveilleux, il y a une réelle volonté de faire sentir qu’avant la venue des ces petits êtres blancs un monde a été (par exemple les robes d’Opéra qu’on croirait sauvées d’un incendie). La musique accompagne le plus souvent les séquences. C’est un grand spectacle, sombre, obscur, qui se développe dans un univers très post-apocalyptique. Noir et joyeux à la fois. Comme une grande fête macabre à plusieurs temps, avec la poésie comme fil conducteur. Nous avons beaucoup aimé !

Si vous le souhaitez voici un petit résumé des différentes histoires des métamorphes : http://www.omiplace.com/blog-roulieta/?page_id=115