Thaïlande

Du 26/05/2018 au 02/05/2018 Thaïlande : Maë Sot – Bangkok. Puis Turkménistan : aéroport Achgabat. Puis France : Paris.

La douceur d’un dimanche après-midi

             Le Myanmar aura clairement été l’un des pays qui nous aura le plus séduit par ses beautés. Les peintures de Bagan, le hoquètement du train pendant plusieurs heures, les belles couleurs des différents vêtements. Sans oublier les sourires aux joues réhaussées de tanaka. Oui, le Myanmar reste en nous. Parfois les aventures se terminent sur une note différente, de notre dernière escale myanmaraise nous sommes tombés malades. Dans une moiteur prégnante, nous marchons sur le pont de l’Amitié, séparant le Myanmar de la Thaïlande.

Sans aucun brin d’air, une chaleur écrasante et moite

            Encore quelques centaines de mètres nous séparent du poste de frontière thaïlandais. Nos estomacs en vrac déchargent des spasmes intenses dans nos corps, qui bataillent déjà avec la chaleur humide et sans air du jour. A Hpa-An, notre dernière escale au Myanmar, nous nous doutions qu’il y avait un fort risque de tomber malade où nous nous restaurions à cause du manque de propreté des lieux. Mais nous n’avions pas grands choix, alors c’est les corps luttant que nous avançons au-dessus de la rivière Moeï. A quoi il faut ajouter l’incertitude. Un poste de frontière est un point d’interrogation en béton plus ou moins architecturé. Un jeune garçon a essayé de faire les poches de Barbara au poste myanmarais. Il n’y a pas un souffle d’air, seulement une densité moite qui fond sur nos peaux. En plus, avant d’être malades, nous sentions pressante dans nos organismes la fatigue accumulée au fil des kilomètres. Nos intoxications alimentaires sont un bagage que nous aurions préféré éviter. Nos salutations à la frontière sont gentiment accueillies, là aussi le passage est par chance une simple formalité. Ni fouille ni lenteur, juste le temps d’un tampon. Est-ce nos passeports français ? Très probablement.

            La seconde manche peut commencer maintenant que nous sommes en Thaïlande. Les odeurs pestilentielles de la rue ne sont pas pour nous aider. Barbara ne peut plus avancer, outre l’estomac, la chaleur étouffante a pris le corps d’un serpent enroulé autour d’elle. Nous avions pensé pouvoir changer de l’argent Hpa-An, mais nous n’avions pas trouvé de point de change. Notre première mission est de réussir à échanger soit des dollars ou des kyats contre des bats thaïlandais. Habituellement il est toujours possible d’échanger avec un-e locale, un commerce ou du moins un bureau de change. Rien. Personne ne veut échanger quoi que ce soit. La situation est de plus en plus pressante, l’hôtel n’est pas tout prêt et nos corps nous réclament du repos. Dans cette chaleur sans échappatoire, à force de faire les cents pas, nous trouvons enfin un distributeur, accompagné d’une forte commission. Tant pis, il faut pouvoir payer le taxi partagé.

Avec un changement de pays, il y a les changements de codes culturels. Les thaïlandais sont coutumiers des touristes et voyageurs comme nous, ce qui facilite les choses en apparence. Mais notre lucidité n’est pas aux mieux, les variations culturelles brouillent inhabituellement nos échanges. Sans sourires, nous nous comprenons à demi-mots, ne sachant pas s’ils nous comprennent, si nous les comprenons, si la situation a une issue proche. Cela semble bon, nous montons sur un petit banc arrière du taxi collectif. Le trajet est le troisième acte de cette journée, là où se joue la tension à son paroxysme. Les amarres de nos corps lâchent une à une, il ne faut pas craquer. Notre solidarité est une force mais chacun est seul avec les violences de son corps. Ne sachant pas où nous allons, voyant les autres êtres débarqués avant nous, ignorant quand est-ce que nous arrivons, le combat devient une lutte morale. Dans la remorque où nous sommes installés, chaque brinquebalement est une armée de piques intérieures, de frissons froids qui courent l’échine transpirante. Enfin nous arrivons. Si les murs de la chambre sont gris, son confort nous offre un premier répit dans cette longue journée. La douche fait à nouveau respirer nos peaux, nous plongeons dans la douceur du lit mirage devenu oasis.

            Après avoir dormi quelques heures, nous empruntons les vélos du petit hôtel pour aller faire quelques courses. Est-ce parce que nous sommes fatigués ? Impolis ? Ou que nous arrivons du Myanmar ? Nous ne connaissons pas la raison, mais les thaïlandais auxquels nous avons à faire sont complètement indifférents à nos formules de politesse. Ni sourire, ni aucun mot, peut-être est-ce l’attitude locale vis-à-vis des étrangers, ou simplement la normalité. Peut-être aussi que nous sommes si semblables à des zombis que nous n’inspirons pas la gentillesse. Quoiqu’il en soit, les interactions sont froides et déconvenues. De toute façon nous ne nous attardons pas. Au retour, nous essayons via l’accueil d’appeler la compagnie de bus du lendemain pour changer le ticket, mais impossible de les joindre. Barbara décide de manger un petit peu, Aurélien préfère rester à jeun. Nos corps deviennent fiévreux, recrachant en plus la chaleur du jour emprisonnée. Aurélien régurgite le médicament dans la minute où il le prend avec l’eau bue précédemment. Jamais au cours du voyage nous avions été malades, mis à part quelques tracas mineurs. Nous savons que nous ne sommes pas en danger sérieux, qu’il n’y a rien de grave. Simplement, nous devons veiller à notre bonne hydratation, se nourrir et du repos réparateur. Surtout du repos.

            Le lendemain, nous sommes mieux mais sans être parés à reprendre la route. Dehors, la moiteur ambiante accompagne un épais rideau pluie. Nous réessayons de contacter la compagnie. L’après-midi, les nuages gris ont cessé leurs pleurs. Il fait si chaud que les routes sont déjà sèches, nous partons faire un petit tour pour nous aérer. La ville n’a pas de réel charme, elle est une escale entre deux destinations. Les hauts murs des clôtures cachent les intérieurs des maisons, certains commerces respirent cette étrange atmosphère des villes frontières, semblant dissimuler un autre business qui joue sur la proximité avec l’autre pays. Nous ne savons pas. Comme nous ne sommes pas encore d’aplomb, nous prolongeons notre séjour avec la même rengaine quotidienne. Quand nous allons un peu mieux, nous nous essayons à une soupe de légumes. Nos estomacs sont encore fragiles, mais nous sommes sur le chemin du rétablissement. Aussi, outre la pluie qui donne le la aux journées, nous commençons à nous questionner sur un retour en France pour faire une pause estivale auprès de nos proches. Nos avis divergent. D’autant que si nous revenions en France, est-ce que nous repartirions d’où nous sommes partis ou irions-nous directement en Australie ? Nous en discutons avec à chaque fois une réponse différente.

                 Ce qui est certain c’est que nos organismes ont besoin de quiétude, alors nous envisageons de prendre un petit logement dans un coin reculé du pays. Éric (rencontré en Chine) nous a donné des conseils précieux qui nous donnent envie. Mais la saison des pluies va s’intensifier, est-ce qu’elle nous permettra de réellement nous reposer ? De retrouver une pleine fraîcheur ? Partir en France, est-ce que ça ne serait pas saborder notre projet initial de rejoindre la Nouvelle-Zélande d’un tenant ? Nous qui voulions éviter l’avion, nous voilà prêts à potentiellement faire un aller/retour de plusieurs milliers de kilomètres ? Sans compter que nous manquerions des pays que nous escomptions visiter… discussions et destinations différentes à chaque fois. « Partir, c’est prendre le risque de revenir. » écrit Sylvain Tesson Dans les forêts de Sibérie.  Nos réflexions nous amènent à la conclusion que pour le voyage l’échec n’existe pas. Simplement parce que le voyage n’a pas d’existence, en ce sens il ne peut pas échouer. Ce n’est pas une expédition mue par des objectifs. Le voyage est la mémoire plurielle d’un itinéraire, sans autre fin que les expériences de l’itinérance. Rien ne pourra annihiler cette ô combien merveilleuse aventure que nous avons vécue. Si nous sommes fatigués aujourd’hui à débattre dans cette chambre aux murs gris, nous sentons qu’il s’agit d’une fatigue heureuse. Tous ces kilomètres roulaient, marchaient, naviguaient, quelquefois envolaient, ont été de fantastiques surprises dont nous sommes heureux. Bonheurs rares d’un instant heureux comme si nous chérissions en un bouquet de fleurs tous les souvenirs de cette belle aventure. Ces beaux instants qui à jamais marquent nos vies.

             Depuis bien avant notre voyage, nous sommes pleinement conscients combien la vie peut s’écourter brutalement. Il n’y a pas de justice ni de morale face aux aléas de la vie. Cela a bien été une des raisons motrices pour nous à arpenter ces routes inconnues, à concrétiser ces rêves d’orients en les laissant nous surprendre. L’été est propice aux retrouvailles en famille, il sera de parfaites occasions pour revoir chacun après plus d’une année d’éloignement. Par exemple Barbara pourra aider ses parents dans l’aménagement de leur future maison, Aurélien aller au Portugal assister à la fête au village coorganisée par son cousin. Partager à nouveau des moments simples, se ressourcer auprès de ceux que nous aimons. Le bonheur importe dans la vie, nous choisissons d’être avec nos proches pour partager avec eux ces premières pages merveilleuses de notre voyage. Ainsi reposés, nous pourrons mieux organiser la suite dont nous préférons ne pas encore décider. Parfois les choix les plus difficiles ont aussi besoin d’un petit signe pour conforter qu’il est le bon. En regardant les vols depuis Bangkok, Barbara trouve un vol avec Turkménistan Airlines à un prix nous convenant. Mais ce qui nous convainc plus que tout, c’est qu’il y a une escale à l’aéroport Achgabat (la capitale turkmène) avant de poursuivre vers Paris. Or, le Turkménistan est le seul pays pour lequel nous n’avons pas pu obtenir le visa pour le traverser. En y faisant escale, nous réparerons en quelques sorte ce tort somme tout anecdotique.

              Après ces quelques jours pour reprendre des forces, nous faisons enfin route vers Bangkok. Toutes les personnes qui nous ont parlé de cette ville nous donne une impression de forts contrastes, à la fois ville de sourires, de belles architectures et aux saveurs culinaires délicieuses. D’autre part la face nocturne de la ville, lieux de fêtes, animations et commerces peu légaux. A l’accoutumée nous laissons la ville nous surprendre, à ressentir comment son atmosphère nous imprègne. Cependant cette fois, c’est différent, la date du départ pour la France est au 2 juin au matin. Nous n’allons pour ainsi dire passer qu’une journée et demie dans la capitale thaïlandaise. Avec la tête déjà en Europe. Dans le van qui nous amène à la gare routière, une fois de plus trop petit en hauteur pour Aurélien, la pluie bat son plein et couvre les vitres de filaments de gouttes. A nouveau nous éprouvons des difficultés à nous comprendre avec les thaïlandais. Au comptoir où nous nous adressons, les informations ne nous semblent pas claires. Pourtant, combien de fois nous nous sommes retrouvés dans des gares sans repères. Finalement le bus arrive, nous embarquons. Les nuages empêchent la lumière du jour d’éclairer le lointain, c’est avec la nuit que nous arrivons à Bangkok. Dans le bus de ville, nous sommes étonnés du plancher en bois qui contraste avec les nouveaux buildings. Pleines de lumières, asphaltes impeccables, voitures partout, assurément nous avons changé de dimension financière.

            Le premier juin, notre seul jour de visite à Bangkok, en sortant de l’auberge de jeunesse en quête du petit-déjeuner, nous croisons un varan (sorte de lézard préhistorique de la taille d’un chien), certainement en quête d’un repas lui aussi. C’est pour nous la première fois que nous en voyons un en vrai, nous ne cachons pas que nous ne nous y attendions pas. Il nous surprend drôlement avec sa démarche nonchalante, son corps trapu et sa langue fine qui s’étire tremblotante. Ce n’est qu’à la vue d’autres congénères que nous comprenons qu’ils doivent être les « rats » locaux.  Dans le doute, nous évitons d’être sur leurs chemins ou le même trottoir, n’ayant pas les codes de communications sauriens. Du riz gluant à la mangue compose notre premier petit-déjeuner. Les mangues si parfumées sont délicieuses. C’est impressionnant le nombre de points de restaurations ambulants qui peuplent les rues, il est presque possible de manger de tout dès le matin.

                 Puis nous montons dans une navette fluviale en direction du Wat Arun. Le fleuve Chao Phraya sinue au milieu de la ville, c’est un axe très emprunté par différents types de bateaux. Le courant est agité, le ciel est gris, est-ce qu’un orage se prépare ? En attendant, la traversée nous donne un point de vue sur la ville. Avec Bangkok, les hautes tours de verres s’élèvent inégalement, entre des grues qui annoncent de nouvelles voisines en construction. Plus amusant, dans l’eau nous voyons quelques varans qui traversent à la nage le Chao Phraya l’air de rien. Pour notre première escale, nous nous arrêtons au temple Wat Arun (ou le temple de l’Aube), achevé au début du XIXème siècle. Le prang (la tour) principal culmine à 82mètres, il est dans un excellent état de conservation. Après les temples bouddhistes et hindouistes que nous avons visités, bien souvent marqués par la lutte avec les années, visiter un temple en aussi bon état est toujours un étonnement pour nous. Comme si nos imaginaires prenaient soudain une concrétude immédiate et insoupçonnée. Nul doute vu sa forme que le Wat Arun s’inspire du Mont Méru. Dans son bel habit écru, les décorations se teintent de vert, orange et ocre. Il y a également des coquillages et des éclats de poteries. Plusieurs frises de suites de divinités identiques ceinturent l’édifice. Les temples bouddhistes ne cesseront jamais de nous impressionner par leurs formes architectoniques et leurs originalités. En hauteur, dans des encadrements, sont positionnées des divinités sur des chevaux ou des éléphants. Les prangs voisins, plus petits, sont plus récents, bien plus saturés en décorations florales.

 

            Un nouveau tour de bateau et nous arrivons au Wat Pho, un temple abritant une incroyable sculpture de Bouddha allongé resplendissant d’or. Nous apprenons qu’il représente Bouddha sur son lit de mort. Le temple est un bel écrin là aussi aux motifs floraux. La sculpture est très massive, mesurant quelques 15mètres de hauteur pour plus de 40mètres de longueur. Le trésor du lieu se trouve au niveau des voûtes plantaires du divin, sur lesquelles sont sculptés de nacre les 108 états de Bouddha. C’est resplendissant de minutie, chaque scène est soigneusement travaillée. C’est magnifique, même si avec la foule nous ne pouvons pas vraiment prendre le temps pour admirer les différentes scénettes. Avec Bangkok nous retrouvons les bains de foules touristiques comme nous n’étions plus habitués. En sortant, la saison des pluies a déjà commencé et nous montre le visage de ses journées. La lourde chaleur éclate dans une pluie diluvienne. Nous patientons les premières trombes, puis c’est l’occasion d’essayer notre poncho de voyage reçu au Myanmar. Aurélien a pris le sien, nous nous enroulons à deux sous cette cape protectrice. C’est très bien, moins de 200grammes très utiles !

           La pluie cesse assez rapidement, nous nous laissons porter par le hasard dans les rues humides. Comme souvent en Asie, les voitures sont soit blanches, grises ou noires. Seuls les taxis se parent d’une couleur rose bonbon ou jaune canari. Il y a les nombreux tuk-tuks taxis prêts à vous amener. Encore une fois, ce qui nous impressionne c’est le nombre d’étals de restaurations fixes ou mobiles (sur vélo). Il y en a parfois presque tous les mètres. Nous qui trouvions de manière générale les bangkokiens plus corpulents que dans les autres pays asiatiques, nous comprenons mieux. A tout instant, il y a un-e client-e pour acheter une gourmandise, un snack ou un petit repas. Ce dès le plus jeune âge, les écolier-e-s en uniformes qui rentrent chez eux ne manquent pas non plus de s’arrêter pour un petit encas de fin de journée. Comme toute grande ville moderne, Bangkok se modernise vite, mais ses quartiers historiques subsistent encore. Partout il y a ces vieilles habitations aux fenêtres grillagées qui côtoient de nouveaux immeubles de verre en train de s’élever. L’espace public semble libre pour y faire son commerce, les boutiques modernes sont bordées d’étals de rues. Il y a ces avenues larges avec les enseignes des boutiques qui empiètent dans le prolongement de la route. D’autre part, ces rues étroites loin des boutiques propres, la Bangkok que le modernisme conventionnel n’a pas encore englouti. Nous rentrons tranquillement. Le soir nous nous offrons un repas pour goûter aux saveurs thaïlandaises. C’est une nuit bien différente de toutes les autres, la dernière de cette première partie de voyage. Alors ce soir, en guise de cadeau, les souvenirs viennent faire la farandole dans nos rêves.

            Ce samedi 2 juin 2018 a une saveur particulière, nous quitterons ce soir le continent asiatique, de la même manière nous conclurons la première partie de notre voyage De soie et de scène. Nous nous assurons d’avoir toutes nos affaires, partons flâner tranquillement dans les rues, faire quelques emplettes souvenirs. C’est un mélange de tout à l’intérieur de nous, même nos sacs paraissent ne pas savoir quoi nous dire. Depuis notre départ de Lyon le mardi 16 mai 2017 à aujourd’hui samedi 2 juin 2018, nous venons de vivre parmi les jours les plus heureux de nos existences. Lieux après lieux, visages après visages, scènes après scènes, c’est le premier grand chapitre de De soie et de scène qui aboutit aux coins souriants de nos lèvres. D’une certaine façon, nous n’avons pas l’impression d’être partis depuis une année, nous ne réalisons pas. Ayant traversé différentes aires géographiques, de régions culturelles proches, de paysages que tout oppose comme les déserts de sables et de neiges. En somme, nous avons la sensation d’avoir vécu plusieurs voyages en un voyage. Déjà qu’une ville est un voyage pluriel…

              Nous arrivons à l’aéroport vers 20h. Et comme si ce dernier trajet avant notre pause estivale voulait nous tester une dernière fois, le départ est à 4h40 du matin. Atterrir au Turkménistan se mérite ! Comme quelquefois pendant le voyage, nous ressortons les cartes à jouer achetées dans une gare enneigée en Russie. Les aéroports sont un lieu commun vers un autre lieu commun. Dans l’avion, un portrait du dictateur est encadré. Les hôtesses de l’air ont la froideur légendaire de l’ex-URSS. Aurélien n’a pas prévenu sa famille qu’il rentrait, le 8 juin une de ses sœurs fêtera son anniversaire, alors ce sera l’occasion de créer la surprise pour sa famille. Monique, la maman de Barbara viendra nous récupérer à Paris à notre arrivée dimanche après-midi. Le jour nous réveille, accompagné d’un petit-déjeuner. Les paysages montagneux de l’Afghanistan sont somptueux. Puis de sa blancheur légendaire surgit le village de l’amour, ou Achgabat la capitale turkmène. Toutes les toitures sont vertes. Un voyageur américain nous a raconté que le taxi qu’il l’avait déposé dans la ville était reparti aussitôt car il pouvait être arrêté à cause de sa voiture « sale » et qu’il craignait une amende. L’aéroport est neuf, efficace sans boutiques dans lesquelles perdre son temps, un bel intérieur de décorations islamiques vertes et dorées. C’est simple pour se diriger, car dans cette dictature tout est surveillé, impossible de s’écarter du chemin proposé. De toute façon notre avion est le seul sur le tarmac, probablement que nous sommes les seuls passagers en ce moment dans le bâtiment. Nous achetons de l’eau, le « One dollars » au fort accent russe de la dame nous rappelle de doux souvenirs d’Asie Centrale.

Au dessus des étendues afghanes

            Puis nous ré-embarquons, cette fois en direction de Paris. La ville blanche cerclée de sable s’étend une nouvelle fois nous nos yeux, une grande mosquée au parking vide trône en bordure de la cité. Peu à peu les étendues sablonneuses sont couvertes d’un épais tapis de nuages blancs. Le déjeuner nous rappelle les purées dans les gares russes. Le vol se passe bien, la mer noire brille de son bleu profond. Les nuages éparpillés semblent y faire une course, leurs ombrent se reflétant à la surface de l’eau.  Notre vol nous fait voir notre itinéraire à rebours. Progressivement nous survolons l’Europe, les paysages redeviennent familiers. Enfin la France où à notre atterrissage nous croisons un Concorde exposé pour bien souligner notre retour dans l’hexagone. C’est soudain très étrange, voir écrire tout en français, comprendre les conversations voisines sans efforts. Et puis marcher en France, être en France, ce retour, cette pause estivale est tout à coup concrète. Impossible de démêler nos sensations intérieures désorientées et engourdies par le vol. Ce matin, nous quittions l’aéroport de Bangkok. Le passage de frontière se fait sans encombre, quelques rapides questions sur la longueur de notre voyage et le contenu de nos sacs. Nous apercevons Monique, la maman de Barbara qui sautille de bonheur de nous voir ! Nos sacs à dos se font attendre. Ça y est, les retrouvailles peuvent avoir lieu ! Notre amie Adèle est venue aussi nous accueillir ! Quel immense plaisir de les revoir ! Paradoxalement, nous avons moins l’impression qu’elles d’être partis depuis plus d’une année. Un ou deux mois tout au plus. Autour d’une première boisson chaude, nous faisons la conversation dans la simplicité de la langue de Molière, prenant des nouvelles du quotidien. Le soleil brille, cela pourrait-être n’importe quel dimanche après-midi.

Quand les sourires se retrouvent