Kazakhstan

Du 15 octobre au 4 novembre 2017 – Kazakhstan : Chimkent – Turkestan – Almaty – Canyon de Cheryn – Shimbulak – Astana

Au pays des plaines sauvages méconnues

                 A peine nous passons la frontière Kazak que nous avons le bonheur de retrouver des personnes qui nous informent. En effet, en Ouzbékistan, ce qui nous avait profondément agacé c’était que jamais personne ne voulaient nous dire où étaient les bus, et lesquels prendre. Nous avions toujours la même réponse : taxi ! Même en prenant sur nous, cela nous a un peu gâché notre traversée ouzbek. Nous aimons prendre les transports en commun car ils nous permettent comme l’auto-stop de rencontrer des locaux, ou au moins de mieux se rendre compte de la vie quotidienne. Alors 500kms en taxi partagé avec un ouzbek qui dormait sur notre épaule pour aller de ville en ville n’était pas tout à fait ce que nous recherchions. A la frontière Kazaz, sur indication des deux jeunes de la cahute d’information touristique, nous prenons un marshrutka (minibus) pour Chimkent ville située à 200km de la frontière. Une fois arrivés, un peu perdus, nous montrons à un jeune homme l’arrêt de notre auberge et il nous indique avec ses doigts le numéro du bus à prendre. Dans tous les bus kazakhs, il y a le chauffeur et le contrôleur qui passe dans le bus et à qui nous achetons les tickets. Du coup pour l’arrêt c’est encore plus simple, la personne nous prévient. Simple et efficace. En tout cas, à chaque fois, nous avons eu de l’aide pour savoir où descendre et les villes sont toutes pourvues d’un très bon réseau de transports en commun. Les visages ont encore changé, plus saillants au niveau des pommettes, les mentons sont plus étroits avec des bouches fines et des yeux plus allongés. La ville est très étendue et sans charme particulier. A l’auberge, la propriétaire d’environ une quarantaine d’années ne parle pas très bien anglais mais fait un réel effort pour communiquer et faire en sorte que nous soyons bien. Elle loue quelques lits dans sa maison. C’est propre et accueillant. Elle nous renseigne aussi comment aller au Turkestan car le lendemain nous souhaitons visiter le plus vieux monument du Kazakhstan.

               Lundi 16 octobre, voilà 5 mois que nous sommes sur les routes. Le temps s’étire et à la fois file à tout allure. Quand nous y songeons, nous avons l’impression de vous avoir quittés il y a tout juste quelques semaines. Mais dans un second temps, quand nous pensons aux pays traversés cet été, il nous semble que cela fait une éternité.

               En cette belle journée, nous allons découvrir le mausolée du soufi Khoja Ahmed Yasavi situé dans la ville de Turkestan à environ 2h de route de Chimkent. Le mausolée date du 12ème siècle mais la structure actuelle a été commandée par Tamerlan (Amir Timur) en 1389 et la construction s’est arrêtée en 1405 à la mort du souverain. Une fois sur place, nous apprécions particulièrement la spiritualité du lieu et son atmosphère authentique. Le temps imprègne la pierre. En effet, le lieu est classé patrimoine de l’Unesco car son architecture a été conservée depuis cette époque. Ce qui en fait le monument le mieux conservé de l’époque timuride. La plupart des fresques, arcades, peintures sont d’époques. Nous sommes heureux de découvrir cet édifice, qui s’élève au milieu d’une vaste surface sablonneuse. Surtout que nous sommes à peu près les seuls étrangers ce qui nous change de l’Ouzbékistan et de ses cars de touristes. L’intérieur de la coupole est blanc avec au milieu un immense vase. Il y a des pierres avec des inscriptions sculptées, une mosquée où les croyants viennent prier. L’extérieur s’élève d’une couleur sable en différentes formes géométriques. En sommet triangle pour l’entrée, avec derrière une belle coupole bleue turquoise.

            Nous nous asseyons sur un banc au soleil pour manger notre pain acheté à une dame à la descente du marshrutka. Il est délicieux ! Le reste des bâtiments sont pour la plupart fermés. Au loin, nous apercevons les anciens remparts de la vieille ville, Aurélien veut absolument aller les voir. Il y a différentes portes, nous choisissons la direction d’une. Nous voilà à traverser un mini-désert de dunes poussiéreuses où se trouvait la ville avant. Sur le chemin, certains bâtiments ont été déterrés grâce au travail archéologique. Les archéologues ont mis au jour des fondations d’anciennes maisons. Les vieilles portes de la ville sont en restauration. En y arrivant, nous échangeons quelques mots avec les premiers ouvriers. Nous passons sous la porte, qui débouche sur rien. Sauf que l’ouvrier esseulé qui prépare le torchis est tout heureux de découvrir deux français. Après une bonne poignée de mains, il nous invite à le suivre sur le pont de la porte. Nous montons à travers une des deux tours attenantes dans la presque obscurité sur des échelles de chantiers et nous voilà là haut. Le Turkestan est encore plus incroyable d’ici. Entre lui et la porte où nous sommes, apparaissent brièvement dans nos imaginaires la cité passée. Quelle chance inouïe nous avons ! C’est un beau geste de la part de l’ouvrier car cela n’est pas forcément ouvert au public. Nous revenons au mausolée et continuons la visite. Plus loin, nous découvrons le musée d’histoire et d’archéologie qui nous révèle des photographies de différents sites archéologiques découverts au Kazakhstan, des peintures qui représentent comment s’organisait la ville autour du Turkestan. Pour repartir, grâce aux indications des kazakhs, nous retrouvons le marshrutka de retour.

             Le lendemain, nous nous décidons pour prendre le train de nuit pour rejoindre Almaty (quelques 700kms de trajet). Nous aimons mélanger les moyens de transports, ils permettent de découvrir différents moments de vie. Nous avons acheté nos billets sur internet mais nous ne trouvons aucun endroit pour les imprimer. Aurélien finit par faire le tour des bureaux autour de la gare. A l’audace, il rentre dans les bâtiments en montrant sa clé usb, en disant « poest billet » plus le signe de feuille imprimée. Mais il a toujours une réponse un peu effrayée dont la traduction simple serait « à côté ». Finalement un homme fumant une cigarette accepte. En le suivant dans le bureau, les femmes paraissent paniquées de sa présence. Le directeur arrive et lui demande d’où il vient. France, alors le directeur dit « Arabe, turque… ? », réponse : français. Pour rassurer sa suspicion, Aurélien rajoute « et portugais ». Une jeune se lève et crie « Cristiano Ronaldo », la moue du directeur se transforme en sourire. Il donne deux téléphones à l’employé qui imprime les billets de train « Photo avec Portugal ». Sans renier les racines lusophones d’Aurélien, c’est toujours déconcertant que dans la majorité de pays que nous traversons, rares sont les personnes qui le croient français, et qu’il faille en venir à la justification.

                Nos tickets imprimés et notre repas du soir acheté, nous voilà assis sur nos sacs sur le quai de la gare. Les kazakhs eux s’assoient sur leurs immenses cabas remplis à craquer, ou restent agenouillés. Nous attendons notre train qui aura enfin de compte 1h30 de retard. A bord, nous sommes heureux de découvrir la 2ème classe des trains de nuit (habituellement nous voyageons toujours en 3ème mais il n’y avait plus de place). Ici, nous avons la chance d’avoir un petit compartiment fermé avec 4 couchettes. L’intérieur est en contre-plaqué qui donne un charme d’antan. Il y a même un tapi au sol. Nous partageons notre compartiment avec Almira une femme ingénieure d’une quarantaine d’années et Birik un kazak d’à peu près le même âge. Avec au maximum un vingtaine de mots d’anglais, beaucoup de curiosités et de mimiques nous échangeons. Birik est tout content de rencontrer deux français. Au samovar (réservoir d’eau chaude présent dans tous les trains de l’ex-Union soviétique), nous faisons nos nouilles instantanées. Puis, Elmira et Birik mangent. Elle sort du mouton cuisiné par sa mère qui parfume la chambre, lui de la saucisse pour accompagner ses nouilles. Les trains de nuits sont toujours propices aux rencontres et avec eux nous ne nous ennuyons pas. La nuit est déjà là, après un peu de lecture les lumières s’éteignent.

            Une autre différence avec la 3ème classe est qu’il n’y a pas de couchette dans le couloir. Au petit matin, trois kazakhs sont accoudés à la fenêtre du train arrêté. Dehors, un village abîmé qu’un vent balaye brutalement. Tous semblent aspirés par ce même rêve terrifiant. Le froid se ressent à travers le regard. Le temps est arrêté. Le train repart et réveille ces trois êtres silencieux. Après une bonne nuit, c’est la toilette (une serviette est fournie à chaque fois avec les draps) et nous petit-déjeunons. En reprenant la discussion, Elmira nous dit que son mari viendra la chercher à la gare et nous propose de nous déposer à notre auberge.

             Une fois descendus du train, nous la suivons elle et son mari.  Et nous posons nos sacs dans une porsche cayenne intérieur cuir ! Le mari d’Elmira a l’air moins enthousiaste de nous aider et s’empresse de nous déposer où il pense que se situe notre auberge. Manque de chance, ce n’est pas là et il est déjà reparti. Nous ne savons pas par où aller et en plus il pleut. Mais heureusement, il y a la gentillesse des Kazakhs. Une jeune femme à qui nous demandons de l’aide nous accompagne jusqu’à notre auberge. En route elle nous apprend plein de choses sur la ville comme par exemple en nous expliquant que la tour Hôtel Kazakhstan en est le symbole. Aussi que c’est un français qui a rénové la station de ski. Encore plus intéressant, elle qui s’essaie à des courts métrages nous explique que depuis la chute de l’URSS, il n’y a quasiment plus d’école de formation d’acteur. Après cette marche sous la pluie froide, nous voilà à l’auberge : Alma Cinema Hostel. Le concept : chaque chambre est décorée selon un film (Star War, Avenger, Gasby, Bollywood…) nous atterrissons chez Harry Potter avec une chambre digne du dortoir de Gryffondor. Rideaux en velours rouge, vieux tapis, il y a même la cage d’Edwige. Nous profitons de l’endroit pour laver nos vêtements. La logeuse dont nous n’arrivons jamais à retenir le prénom est une jeune femme d’une trentaine d’années vraiment très gentille et souriante. Elle ne parle pas anglais mais grâce à google translate nous nous comprenons parfaitement.. Nous nous sentons comme chez nous. La cuisine est grande et lumineuse, les douches supers, les chambres décorées. Et il n’y a presque personne. Nous avons même sympathisé avec un maraîcher tadjik aux délicieux fruits et légumes. Nous en profitons pour bien nous reposer.

             Le lendemain, nous partons à la recherche d’informations. La région d’Almaty est réputée pour sa richesse et sa diversité naturelle, allant du lac à la montagne en passant par les canyons. Mais il ne nous est pas facile de trouver comment y aller, d’autant que le froid est arrivé en même temps que nous. Un premier bureau d’information touristique nous dit que la saison est finie et qu’il n’y a plus que des tours les week-ends et en russe… Bon cela ne nous emballe pas, nous continuons à chercher. L’office du tourisme nous apprend à peu près la même chose. La saison est finie, il fait maintenant très froid dans les zones plus reculées de la région. Il n’y a pas de transport en commun et si nous voulons y aller sur plusieurs jours, il faut payer un taxi…. Bon va pour le tour en russe le dimanche…. En attendant, il y a un pot à l’office du tourisme. Nous sommes chaleureusement invités à rester boire un verre. Il se trouve qu’Almaty est la ville la plus importante du pays et même l’ancienne capitale. Sa situation géographique en fait un endroit particulièrement attrayant. Le grand lac d’Almaty (ou big Almaty lake) est très connu, l’hiver il y a la station de ski et l’été les randonnées. Le maire et les équipes de la ville essaient de développer le tourisme notamment international dans la région. Si vous allez à l’office du tourisme vous ressortirez avec un guide complet, plusieurs cartes de la ville et de la région. Le pot est un peu celui de la clôture de saison et pour célébrer le travail accompli. Nous rencontrons un monsieur à la retraite qui parle un superbe français. Il a travaillé pour un hôtel français à Almaty. Nous l’interrogeons sur tout un tas de sujets. Par exemple, à Chymkent, au Turkestan et Almaty, nous avons remarqué la présence de Théâtres et Opéras. De son point de vue, ce ne sont pas des spectacles intéressants, servant seulement de « propagande » ou tout serait « lisse ». Ces lieux sont hérités de l’air soviétique, au moins ils fonctionnent encore. Nous le complimentons sur son niveau de langue et il nous dit : « Ha ! Si vous m’aviez entendu parler il y a 10 ans ! C’était beaucoup mieux ! ».

              Le dimanche nous avons rendez-vous à 7h du matin pour aller visiter les 4 canyons de la région avec un groupe. Nous traversons une partie de la ville endormie à pied. Nous passons devant la petite copie de la tour Eiffel d’un dixième de l’orignal (pour un magasin de parfum…), le théâtre, le cinéma, les centres commerciaux pour arriver au cirque. Certains sont déjà là. Les seuls européens avec nous sont Varvara et Samuel, slovaques en vacances. Le minibus arrive et nous voilà environ une quinzaine partis pour 3h30 de route à travers la campagne désertique kazak. Les paysages qui défilent sont ocres, sables avec un beau ciel bleu. Le premier arrêt n’est clairement pas un vrai canyon, plutôt un bébé canyon dirons nous. Néanmoins la pierre a une teinte violet foncé qui crée avec les arbres aux jaunes automnales un beau contraste. Pour le deuxième, nous quittons la route goudronnée pour emprunter une piste. Nous roulons au milieu de rien, où seuls des troupeaux suivis de leurs bergers, ou chevaux, nous regardent passer. Nous distinguons que vers les dernières centaines de mètres, le canyon, qui dessine une plaie au milieu de ces ondulations terreuses. Le lieu est exceptionnel. Nous avons une heure et vingt minutes pour nous balader et manger au milieu de tons rouges dignes de l’Arizona. A l’office de tourisme, ils avaient insisté pour que nous nous habillons chaudement à cause du froid. Il doit facilement faire 18-20° alors c’est plutôt l’inverse! Les formations rocheuses sont étonnantes, très râpeuses, à se demander comment parfois de telles densités tiennent si hautes leurs poids minéral. Les différentes strates sont parfaitement visibles, comme un alphabet temporel resté dans la pierre. Entre les deux falaises, un petit cours d’eau apporte un peu de douceur. Les arbres également. Le lieu nous épate, nous en profitons même pour laisser exprimer notre joie.

             C’est reparti, nous quittons la piste pour en prendre une autre. Le chauffeur roule très vite sur ce chemin fait de bosses et de creux. Lui solidement accroché au volant de ne se rend pas compte de ce que nous endurons et il faut l’engueulade d’une kazakhe (suite à une bosse de trop) pour qu’il se calme. Enfin, le troisième arrêt nous fait découvrir un canyon stupéfiant par ses couleurs plus sombres. De son sommet, il ressemble à des vagues désordonnées et figées, mélange de teintes muscades et kaolin. Plus loin, l’impression du mouvement capturé dans la pierre est très prégnant à l’œil. C’est un lieu captivant. Nous poursuivons, sur la nouvelle piste, de nombreux petits rongeurs courent s’abriter à notre passage. En fin de journée, nous arrivons au canyon Charyn, aussi appelé « vallée des châteaux », qui est le plus célèbre de la région. Ici beaucoup plus de monde et de touristes (même des français du sud en camion qui ont dormi sur place). Nous avons une petite heure aussi pour marcher, c’est époustouflant. Les nuances de vermeil et carnée sont sublimes. La profondeur et la grandeur du lieu sont saisissantes. Nous croirions être à l’intérieur d’une toile peinte tant les rouges paraissent des coups de pinceaux précis, tant les formes sont dessinées. Lieu stupéfiant de la nature. Entre le chaud, le froid et la poussière tout le monde dort sur le retour.

                 Nous passons quelques jours à mettre à jour le blog, à travailler sur la suite du voyage notamment sur la Corée du Sud et le Japon car nous souhaitons y rencontrer des compagnies de danse et de théâtre. Ce qui nous prend beaucoup de temps pour tout organiser. Nous profitons aussi de la douceur de l’automne qui s’est tranquillement installée sur Almaty. Nous explorons la ville dont nous sentons qu’elle est ancienne. Son organisation en rues perpendiculaires sont cadencées entre les bâtiments neufs, anciens et ceux de l’air soviétique. Le plus notable est le grand nombre d’arbres qui bordent les trottoirs. De même de nombreux parcs avec les belles couleurs de la saison. Au milieu d’un parc, nous rentrons dans une église orthodoxe. La voix haute, monocorde et résonnante du prêcheur ne réveille aucune spiritualité en nous. Encore moins avec les hochements de têtes mécaniques des croyants. En plus le lieu est sombre. En retrouvant le dehors, nous découvrons un monument important de la ville, commémoratif de la seconde guerre mondiale. Où que nous allions, Aurélien aimante les regards, que pensent-ils ? Nous ne savons pas, mais il y aurait quelque problème religieux dans le sud-est du pays notamment avec les musulmans (alors peut être est ce la barbe?). La ville regorge de petits coins très sympas, des cafés où seuls les visages et la langue nous rappelle que nous sommes au Kazakhstan.

               Le mercredi, nous montons à la station de ski Shymbulak. Avec le bus de ville, nous arrivons à l’immense patinoire de Medeo puis nous prenons les télécabines pour accéder à la station de ski (dont ils ont fêté l’ouverture le samedi précédent). La neige est un petit peu au rendez vous mais pas assez pour surfer, les infrastructures sont fermées (nous sommes soulagés car nous aurions été frustrés:). A la sortie de la télécabine, il y une célèbre marque de boulangerie française, avec une petite faute d’orthographe sur la devanture. Nous entamons une petite randonnée au pied des Trans-lli Alatau. A petits pas nous grimpons un bon moment dans la neige. La vue et les montagnes sont magnifiques. Au loin en bas nous distinguons Almaty, derrière elle s’étend tout le Kazakhstan. Peut-être même distinguons nous la Russie sans le savoir ! Nous pensions la descente plus périlleuse à cause de la neige mais en fait cela amorti, c’est très agréable. Et nos chaussures ne laissent pas passer d’eau.

               Nous pensions rester une semaine à Almaty mais nous attendons un colis de France pour récupérer du matériel et des livres. Le souci est qu’il n’arrive pas. C’est un peu frustrant de ne voir plus le pays, mais cela ne nous déplaît pas de rester dans notre confortable auberge. Nous avons une chambre pour nous tous seuls et nous nous sentons comme chez nous. Tous les jours nous demandons à la logeuse si notre colis est arrivé et tous les jours elle nous répond que non en haussant les épaules. Ça la fait rigoler, elle doit se demander combien de temps nous allons encore rester (elle qui prépare Halloween). Nous demandons aux bureaux de postes, idem. Nous ne perdons pas notre temps : demandes de couchsurfing (site pour rencontrer et dormir chez l’habitant), itinéraires, blog, contacts avec les compagnies, nous avançons sur la suite du périple.

                 Le lundi, miracle le colis apparaît enfin sur le site de la poste kazak. Il n’est plus en déperdition ! Il vient d’arriver à Almaty. La logeuse appelle pour nous la poste, maximum nous devrions l’avoir dans deux jours. Le mardi, nous allons découvrir le Big Almaty Lake. Après une bonne marche de 6km le long de la rivière dans la ville à la sortie du métro, nous arrivons au parc du premier Président. Nous négocions un taxi aller/retour pour les 30kms de montagne qui accèdent au lac. Aïe mauvaise pioche, le conducteur est très mauvais, double dans les lacets d’asphalte et nous secoue dans tous les sens. Même si nous lui disons de ralentir, nous arrivons au lac tout tremblotants, barbouillés et peu enclin à profiter de la quiétude du lieu. De plus, il est interdit de marcher autour du lac car après c’est la frontière avec le Kirghizstan. Nous nous asseyons pour profiter de la vue malgré notre état fébrile. Il fait très frais et cela nous fait le plus grand bien. L’expression un grand bol d’air frais n’a jamais été aussi vraie ! Et puis nous sommes à une très bonne période de l’année pour observer le lac dont la couleur vert d’eau est exceptionnelle. La surface plissée par le vent, les montagne autour s’élèvent comme des gardes aux casques enneigés. Pour le retour nous faisons comprendre au chauffeur de rouler « doucement ». Il a compris, nous arrivons en bas à allure normale. Après avoir pris le bus, nous nous offrons un restaurant. En rejoignant l’auberge, une bonne nouvelle nous attend : le colis est arrivé à la poste du quartier. Nous nous précipitons avant la fermeture : OUI ! Il est là ! Une fois rentrés et le colis déballé, nos réservons nos billets de train pour Astana la capitale. C’était limite en timing.

               Mercredi 1er novembre, nous prenons le train de nuit. Nous quittons Almaty après 2 semaines. Nous n’étions jamais restés aussi longtemps au même endroit. Nous sommes heureux d’avoir pu découvrir cette région magnifique et cette ville super. Nous avons particulièrement apprécié les déjeuners en terrasse sous le soleil d’automne et les ballades dans les parcs sous les feuilles qui tombent. Nous disons au revoir à notre logeuse qui est toute triste de nous voir partir. Elle nous offre du chocolat kazakh et un gros câlin pour notre départ « poka poka » (au revoir en russe).

             La gare est toute illuminée de grandes guirlandes lumineuses verticales. Nous prenons le train en 3ème classe et nous nous retrouvons avec deux lits en hauteur dans la longueur du couloir car nous avons pris nos places en dernière minute (l’idéal aurait été un haut et l’autre en bas dans un renfoncement). Pour manger, la maman en face de Barbara nous fait de la place pour que nous nous asseyons. Repas habituel de train de nuit, nouilles instantanées grâce au samovar. Nous nous couchons pour une nuit peu reposante. Les couchettes qui longent le couloir sont les moins bien car il y a beaucoup de passage et nous sommes souvent réveillés. Au moins nous ne sommes pas à côté des toilettes. Le lendemain, nous sympathisons avec la famille kazakhe en face d’Aurélien. La veille il les a entendus chanter « Lasciarte mi cantare » et « Letty » (un tube ukrainien qui marche beaucoup). Alors nous chantons avec eux. La maman et ses 3 enfants (Fatima 14ans, Adiat 9ans et la petite Alicha 6ans). Cette dernière est toute folle et nous fait bien rigoler. Elle nous en raconte des phrases que nous ne comprenons pas, et elle les répète ! Idem le petit Adiat, tout frustré que nous ne comprenions pas tout, surtout quand il mime la tour Bayterek (l’équivalent de la tour Eiffel kazakhe). Bref nous sommes adoptés ! Dehors, des étendues de steppes à perte de vue.

               Notre arrivée dans la capitale n’est pas la meilleure image de la ville. Déjà le ciel est bas, le bâtiment de la gare bien triste et une voie nasillarde devant le bâtiment. Les véhicules sont couverts de boue, les bâtiments sont délabrés. Nous avons réservé une auberge pas trop loin de la gare car nous devons repartir dès le lendemain soir pour la Russie. Nous pensions passer plus de temps dans le reste du Kazakhstan mais nos visas russes commencent le 4 novembre et nous n’avons que 14 jours pour arriver à Vladivostok. Les abords de l’auberge ressemble plus à une zone périphérique abandonnée qu’à une capitale. Le bâtiment est rebutant. Notre arrivée à l’auberge n’est pas non plus la plus joyeuse. Les personnes de l’accueil ne parlent pas anglais et ce qui d’habitude ne pose aucun problème car nous nous comprenons très bien (« booking 1 night 2 persons » avec quelques gestes pour aider) ici ne fonctionne pas. Pire nous nous sentons pas du tout les bienvenus. Les personnes prennent nos passeports sans un sourire, regardent nos différents visas, ne comprennent pas pourquoi nous sommes là, cela dure longtemps et ils finissent par nous dire qu’il n’y a pas de dortoir mixte (ce qui était pourtant indiqué quand nous avons réservé). Nous finissons par accepter de dormir dans différents dortoirs à l’opposé de l’auberge.

                  Nos sacs posés, nous sortons chercher nos tickets de bus pour le lendemain. Ensuite nous prenons le bus urbain pour aller découvrir le centre ville et manger. Astana n’est la capitale du pays que depuis une vingtaine d’années ce qui en fait une ville très récente. Quand le président Nazarbaîev a décidé d’en faire la capitale du pays ce n’était qu’une ville de taille moyenne. Depuis elle compte plus de 870000 habitants. Pourtant la ville n’a pas le climat d’Almaty, ici il gèle 6 mois par an et il fait souvent -20 (et jusqu’à -50 exceptionnellement). La ville est très froide car entourée de steppes désertiques donc rien n’arrête le vent glacial. Comme à Almaty, ici les gens parlent majoritairement russe et pas kazakh (le pays aura connu 3 alphabets en un siècle : arabe, latin, cyrillique). De plus, la ville est neuve avec une architecture de grande mégalopole futuriste, des bâtiments de toutes formes et des lumières fluos dessus. C’est clairement une compétition à qui aura le bâtiment le plus original et le soir venu aux lumières les plus étonnantes. La plupart des voyageurs nous avait prévenus. Nous découvrons par nous même le contraste avec le reste du pays. Ici, les grattes-ciels côtoient les banques, les centres commerciaux et les grands hôtels. Après une trentaine de minutes de bus depuis la gare nous arrivons à la place où se trouve la célèbre tour Bayterek emblème de la ville. Les bâtiments sont vraiment orignaux, un avec une gigantesque habitation asiatique au sommet, d’autres qui sont courbés, une grande tente en verre… Après avoir pris quelques photos nous nous mettons en quête d’un restaurant… Et nous n’en trouvons pas. Ou en tout cas pas dans nos prix. Au bout d’un moment, nous finissons par trouver un centre commercial ce qui nous laisse le choix entre fast-food ou fast-food. Nous avons faim alors va pour notre premier Mc Do de voyage. Dommage, nous préférons la nourriture kazakh. De retour à l’auberge, nous allons nous coucher. Alors que les femmes dans le dortoir de Barbara éteignent la lumière avant même qu’elle soit couchée, Aurélien se doit de faire la conversation jusqu’à tard à un kazakh très heureux de rencontrer un français. Mais il ne parle pas anglais et Aurélien est trop fatigué pour parvenir à tout comprendre. Le lendemain matin, pas de grasse mat’, à 7h lumières allumées et bruit du dortoir de Barbara. Définitivement, cette auberge n’est vraiment pas accueillante.

              Nous sommes le 3 novembre et ce soir nous prendrons le bus à 22h pour Omsk en Russie. Cette année Astana a accueilli l’exposition universelle dans la plus grande discrétion générale. Nous profitons de la journée pour aller voir les bâtiments et visiter le Musée des énergies renouvelables (dont le bâtiment est une sphère en verre). Le projet a été préparé pendant des années afin de développer des infrastructures et doter la ville d’un nouveau quartier futuriste. Pour y aller, il faut prendre un bus et rejoindre un quartier tout neuf et encore en construction (donc sans habitant). Une fois descendus, il faut marcher pour rejoindre l’expo. Le vent est glacial et très fort. A ne plus douter, nous sommes désormais aux portes de la Russie. Nous arrivons enfin devant le nouveau Palais des Congrès puis devant le bâtiment principal de l’expo : le musée dont l’intérieur clignote de pleins de lumières (cela ressemble à l’étoile noire de Star Wars mais il ne faut pas le dire, ça fâche les kazakhs). Nous faisons le tour, impossible de trouver une entrée… L’heure avance nous avons faim, il fait froid et même pleuviote un peu. Nous entrons dans le seul bâtiment accessible…un centre commercial. Décidément, à Astana, ce sont les seuls lieux que nous visitons. Nous essayons de nous renseigner au point information s’il est encore possible de visiter l’étoile noire. Personne ne sait. Nous finissons par manger puis nous réessayons de trouver une entrée. Hélas, nous la trouvons et elle est fermée. Nous sommes déçus car le bâtiment est incroyable et de l’intérieur cela doit être encore mieux et intéressant. Nous allons au centre, la tour Bayterek est aussi fermée. La veille, quand nous étions passés devant la grande roue lumineuse, elle ne tournait pas. Nous avons l’impression qu’Astana n’est qu’une façade sans intérieur. Nous retournons à la gare routière.

             L’heure avance, nous allons bientôt prendre le bus pour la Russie. Nous sommes très impatients de découvrir ce pays. Après tout le mal que nous avons eu pour avoir nos visas, nous ne comptons pas en perdre une miette. 22H, nous attendons tous devant la porte du bus, les chauffeurs qui ont des têtes patibulaires dignes d’un film de mafia russe, nous font monter pile à l’heure. Même le monsieur en béquille a du attendre l’heure tapante. Ce n’est pas trop tôt, il fait un froid glacial. Dans le bus c’est l’inverse, il fait une chaleur étouffante ! Des petites peluches décorent la descente du bus, et c’est parti ! Nous roulons vers le nord, la Russie, la Sibérie et en plus il neige. Nous nous enfonçons dans la nuit glaciale au milieu des étendues blanches. Même les routes sont toutes couvertes de blanc, nous croirions rouler sur un manteau neigeux. Ponctuellement nous nous arrêtons dans des gares, où seules madame ou monsieur pipi veille pour quelques tenges (monnaie kazak). Les villages sont couverts de neige et de froid, comme un avant goût frais de la Russie. Un dernier au revoir au Kazakhstan avant de sombrer dans le sommeil. Ce pays nous aura beaucoup plu. Les kazakhs font partie des personnes les plus accueillantes et gentilles que nous avons rencontrées. Le pays est immense et nous n’avons absolument pas tout découvert mais c’est sûr nous y reviendrons.