Hongrie

Hongrie – du 3 juin au 8 juin – Budapest, Szeged, Mako

Budapest, la ville en clair-obscur

 

                 La Hongrie marque une nouvelle petite étape dans notre voyage, c’est la première fois que nous changeons de monnaie. Bye l’euro, nous paierons en fohrins.

                     Après une première nuit bien réparatrice, nous nous attaquons à l’écriture de l’article sur Rome. Cela nous prend un peu plus de la matinée, nous nous décidons donc pour un free-tour (visite guidée que l’on rémunère du montant qu’on souhaite à la fin). Sujet : le communisme.

                 A la fin de la Première Guerre Mondiale, le grand Empire Austro-Hongrois éclate et la Hongrie est amputée de nombreux territoires. Une brève révolution communiste a lieu, mais ils perdent assez vite le pouvoir. Souhaitant retrouver sa grandeur passée, la Hongrie s’allie au régime nazi d’Hitler lors de la Seconde Guerre Mondiale. Perdant la guerre, les soviétiques rentrent dans le pays pour le « libérer ». Ils y installent un régime calqué sur celui de Moscou, avec un seul parti au pouvoir. Le premier dirigeant, ou dictateur, est clair « Si vous n’êtes pas avec nous, alors vous êtes contre nous ». C’est une période sombre du communisme hongrois, dont la population en a beaucoup souffert. Les bâtiments de style communiste font leurs apparitions, le gris uniforme recouvre de nombreuses façades (parfois sur un seul côté). La dureté du régime entraîne une révolte, et un nouveau dirigeant est mis en place. Il a une approche différente « Si vous n’êtes pas contre nous, alors vous pouvez être avec nous ». C’est une période du « communisme heureux ». Les salaires montent un peu chaque année alors que les prix restent fixes. Les gens ne pouvaient toujours dire se qu’ils pensaient mais pouvaient acheter ce qui’ls voulaient. De plus, la Hongrie restent plus ou moins en lien avec l’Occident. Par exemple, un Hilton (dans le style communiste) sera construit pendant la période. Mais ce communisme a un coût et c’est la banqueroute du pays.

                Nous quittons le free-tour à ce moment de l’histoire. Barbara rentre se reposer à l’auberge, je continue dans la ville. Budapest, d’une certaine manière, est une petite parisienne aux vêtements hongrois. Les tenues de cette dernière sont toujours pleines de contrastes saisissants. Déjà, on sent que la ville a un très grand passif historique. La majorité des bâtiments qui bordent les rues font au moins 4-5 étages. Souvent massifs, ils ont chacun leurs propres visuels, avec des sculptures et frontons étonnants. Ce à quoi s’oppose la simplicité des façades héritées de la période communiste. Quelques fois, on aperçoit des bâtiments qui possèdent ces deux visages. De même, là où des bâtiments sont très propres et resplendissent de leurs couleurs originales, les autres sont recouverts d’une épaisse couche de pollution noire. Ce recouvrement obscur, témoin du passé et du présent industriel de la ville, parfois sur un même immeuble, donne à la ville un charme paradoxal. A la fois sale et historique.

              Sur le bord du Danube, je m’arrête sur un banc pour essayer de dessiner le Palais Royal qui domine la rive opposée. La réverbération de l’eau chauffe agréablement mon visage, Budapest est une ville où le temps est paisible. De nombreux vélos arpentent la ville en tout sens, les pistes cyclables sont nombreuses. Dans les rues, de nombreuses statuts se dressent au milieu des passants. Les gens s’arrêtent discuter sur des bancs, au bords des fontaines. Barbara me rejoint. En poursuivant, nous passons par les sculptures des Chaussures au bord du Danube : Cipök a Duna Parton. En mémoire aux Juifs fusillés, ces paires métalliques de bottes, ballerines, chaussons d’enfants et chaussures à lacets défaits avant leurs morts inspirent le silence. Même le Danube semble se recueillir. De ses godillots rouillés, l’absence des corps est fort, la soudaine disparition encore plus pressante. Jamais plus il n’y aura de visages sur ces vies prises.

            Sur la même rive, se trouve le Parlement hongrois (début Xxème siècle). Monument gigantesque de la ville (et le plus grand du pays), il est encore plus quand on est juste à côté. Il est faiblement paré de décorations, plutôt épuré, ce qui le rend appréciable à regarder. Son organisation architecturale.

            Avec cette belle vision nous changeons totalement de direction pour aller vers le quartier juif. Le soir, la ville prend de nouvelles couleurs. Elle s’illumine de petits lampions, de guirlandes de couleurs. Les cafés et restaurants très beaux la journées, sont magnifiés par les lueurs nocturnes. Il y en a pour tous les goûts et ils sont décorés avec goût. Nous traversons une rue de bars modernes, du simple bar hongrois au restaurant thaï, en passant par des bars plus chics. Budapest ne dort pas la nuit, elle brille de milles feux. Après avoir passé la vieille Synagogue, nous cherchons le Szimpla Bar. Premier bar ayant ouvert le concept des « ruins bar », il est considéré comme un des meilleurs endroits sur terre pour sortir boire un verre. Après un bref contrôle de sécurité (à Budapest, les agents de sécurités sont nombreux), nous rentrons dans ce temple de la récupération et de la reconversion des objets. Sans ambiguïté, le lieu est incroyable. C’est une ancienne maison toute réaménagée et avec une cours intérieure (dans laquelle vous pouvez vous asseoir dans une voiture « abandonnée »). C’est bien organisé, il y a le bar à bière, celui à vin, à chichas, celui à un peu tout. Les mots manquent pour décrire la magie du lieu, de chaque pièce. Barbara me fait remarquer par exemple un étendoir au plafond… On s’installe. A côté, deux violonistes et une contrebassiste font tourner une ronde humaine. L’homme au chapeau vêtu de blanc guide ce petit monde à coups de jetés de jambes, de lâchés de mains et reprises de la ronde. C’est rythmé et ça respire la bonne humeur. Dans le lieu se mélange hongrois et touristes. Le cadre incroyable facilite les conversations ponctuées de rires.

             Il est tard, Barbara se couche mais je continue jusqu’à l’église Matthias. C’est du côté de Buda, sur la colline face au Parlement. En passant le pont, je constate que les berges du Danube sont aussi un lieu de nuits, où les hongrois dansent et sirotent des verres. Les amoureux sont aussi nombreux. Arriver là-haut, le toit de l’église m’étonne. Les tuiles sont peintes formant ainsi de grandes mosaïques de couleurs. M’avançant au belvédère, je constate de mes yeux la célèbre vue sur le Parlement. De là, il apparaît entier et tout aussi impressionnant. Un violoniste nocturne commence ses premières notes. Le temps s’arrête. Sur le retour, depuis le pont je constate que le Parlement est éteint. Il est 1h06, ils doivent éteindre les grands monuments la nuit après 1h.

Bains de Budapest – Baths of Budapest

            Le 6 juin commence par l’écriture de l’article de Vérone-Venise. Nous rattrapons notre retard du carnet de voyage petit à petit. Comme la veille, nous bougeons en début d’après-midi. Mais aujourd’hui c’est journée de récupération et plaisir à la manière de Budapest. Nous passerons la journée aux Thermes de Géllert. La ville en possède plusieurs, nous choisissons ceux réputés les plus beaux. Là encore la réputation est à la hauteur du lieu. A l’extérieur, une grande piscine à vague sert d’apéritif. Un bassin chaud et un sauna avec lequel on enchaîne le bain glacé. L’alternance du chaud/froid est un bien salvateur. Barbara s’offre même un massage (plus thérapeutique qu’apaisant). A l’intérieur, la piscine est bordée de colonne toutes sculptées différemment, leur couleur sable contraste superbement avec le bleu de la piscine. Au fond de celle-ci, et à droite et à gauche, se trouvent des petits bains d’eau chaude. Une fois à l’intérieur, la tête plongée sous l’eau, le présent perd ses repères. On voyage vers un autre temps les yeux perdus dans le bleu des murs. Alors pour réveiller tous ça, nous profitons des hammams et bains froids. Nous y passons du temps, ça permet de faire une réelle pause dans le voyage.

Statut de la liberté de Budapest

            A la sortie, nous grimpons jusqu’à la Statut de la Liberté de Budapest. La statut est une fillette tenant haut des deux mains une plume, symbole de la liberté d’expression. A ses pieds, deux statuts semblent lutter pour elle. L’un d’eux se battant avec un monstre à plusieurs têtes, les mensonges ? Le point de vue est différent de l’église saint Matthias, nous redescendons. A une terrasse, un homme joue de la guitare et de l’harmonica. Nous terminons tranquillement le jour.

           Le 7 juin, c’est le départ vers la Roumanie. Mais notre intuition n’est pas très bonne. Au cas où, nous savons qu’il y a un train qui rejoint Szeged. La ville au sud-est de la Hongrie, notre premier objectif. On se place sur la bonne route, sur une station essence à la sortie de la ville. Mais ça ne marche pas. Pas de contacts visuels, pas réponses positives pour nous avancer un peu. On se décide pour le train en fin d’après-midi. Après avoir acheté nos billets, nous allons nous installer dans le train pour grignoter un semblant de repas. Il n’y a pas de numéros de places sur nos billets, nous nous asseyons au hasard. Mais les autres personnes semblent toutes avoir des places numérotées…Nous questionnons les 2 personnes devant nous qui semblent en premier lieu surprises de nos billets. Après réflexion, ils nous disent que nous sommes sûrement pas dans le bon wagon, il faut que nous allions dans celui sans air-conditionné. Quelques wagons plus loin, en effet, il y a un wagon plus vieux. Nous nous installons. Il n’y a pas de numéros, pas d ‘air conditionné mais qu’est-ce qu’on est mieux ! Nous avons l’impression de voyager dans le temps. Nous arrivons Szeged comme à Budapest, avec la pluie. C’est une petite ville. Sur le chemin de l’hôtel, nous voyons le panneau Bucaresti.

autostop dans le sud de la Hongrie – Hitchhiking in souh of Hungary

             Le lendemain, nous nous avançons sur la direction de Bucaresti. Les gens nous dévisagent presque apeurés. Barbara ose un salut de la main, une vieille lui répond par un tirage de langue. On se positionne, ça ne marche pas. On avance encore. On change de stratégie, on marque Mako (et non pas Manko le cabaret où nous travaillions en France). Ça marche, Bendan et son père nous embarque dans leur van. En leur montrant notre planisphère plastifié, le père nous demande « Why not by bycicle ? ». Le vélo est décidément très présent dans le pays. Le trajet va vite et nous manquons la station-essence sur l’autoroute. Il nous dépose au centre commercial, où des roumains seront susceptibles de nous prendre.

          Mais ça ne fonctionne pas, alors nous sortons de la ville. Après un peu d’attente fortement ensoleillée et avec peu de voitures à se mettre sous la dent, Robert nous dépose au rond-point avant l’autoroute. Presque tous les véhicules remontent vers Budapest, ou passent par la nationale à cause des restrictions de certaines marchandises. On s’accroche. Stefan s’arrête « Romania ? »  « Da ! » Et nous embarquons dans notre premier camion ! Barbara sur le siège passager, moi sur la couchette. Il ne parle presque pas anglais, mais on arrive à lui expliquer notre projet. Il nous déposera à Margina, en Roumanie, c’est bon pour nous. Nous sommes tous contents d’être dans un camion. Sa gentillesse rayonne dans la cabine. La route est heureuse.

             La frontière apparaît. Il nous explique qu’il faudrait que l’un de nous descende car il ne peut y avoir que 2 personnes dans la cabine (car 2 fauteuils avec ceintures). Barbara descend du camion pour passer la frontière à pied. Toute heureuse, à côté des camions à l’arrêt, elle arrive en marchant sur la route presque l’air de rien. Le premier douanier lui dit que ce n’est pas le bon endroit pour passer à pied mais lui dit de rentrer dans la cahute. Une fois à l’intérieur, les deux autres rigolent de la voir arriver comme ça de nulle part. Ils sont encore plus amusés quand elle leur annonce qu’elle va au festival de Sibiu. En même temps qu’ils contrôlent son passeport, Stefan et moi arrivons au niveau du poste de frontière. Stefan tend aux douaniers ses papiers et mon passeport. Les 2 douaniers rigolent encore plus en voyant un 2ème passeport français. Ils demandent à Barbara si on voyage ensemble… Grillés ! Ils ont bien compris que nous voyageons tous les 2 avec Stefan. Qui d’ailleurs, leur dit amusé qu’il n’y a qu’un français dans sa cabine ! Les autres rigolent de plus belle, lui aussi. Ça passe. Les gardes frontières disent à Barbara en rigolant : « You can go back to the truck » ! Nous sommes passés et continuons notre chemin.

             Les premières images de la Roumanie sont superbes, de grandes étendues vertes avec de petits villages ci et là. La route est neuve, les station-essences sont des préfabriqués. Stefan insiste pour nous déposer à Margina. Nous comprenons, l’autoroute n’est pas terminé, c’est le premier village à la sortie de l’autoroute. Il reste moins de 190 km jusqu’à Sibiu. En descendant du camion, il nous indique un snack et la gare. Multumesc (merci en roumain) Stefan !

            Quand on se retourne, le paysage est différent. Margina est un village qui nous paraît à l’abandon. Les usines sont en ruines, les habitations sont faîtes de brèches et vitres brisées. Mais il y a des habitants et beaucoup de circulation. En tournant vers la gare on entend derrière nous « Gara ! Gara ! Gara ! » Un papy bienveillant, sourire à la moustache, nous indique la bonne direction. Merci. De loin la gare semble en bon état, mais elle se révèle à l’image du village. Nous rentrons par le côté, les sièges sont délavés, la salle d’attente poussiéreuse et en ruine. Après discussion avec le chef de gare, il y a un train pour Déva, prochaine grande ville, à mi-chemin avec Sibiu. Mais on n’a pas de Lei (ou Rons, monnaie roumaine) et il n’y a pas de distributeurs dans le village. On retourne essayer le stop. On marque Déva, ce n’est pas très loin sur la carte. En 5min, l’improbable se produit, une voiture italienne s’arrête ! La Roumanie pays où tout est possible. Fabio, roumain vivant en Italie depuis 18ans, nous amène. C’est une route de campagne aux nombreux virages et très longue en distance. Heureusement, sa conduite est irréprochable. Comme les portugais, il vient chaque été en Roumanie. Il nous dépose à la gare de Déva avec le sourire et les encouragements. Il y a un château apparemment célèbre en haut de la ville. A la gare nous nous renseignons, il y a un train le lendemain en début d’après-midi pour Sibiu. Nous décidons de nous arrêter là pour ce soir. Nous nous installons à un petit hôtel familial, très propre, avec une cour ombragée par des cerisiers. Les gens sont très gentils et accueillants. Nous mangeons notre première soupe aux légumes roumaine, et des crêpes aux champignons, pleines de crème (comme aiment les roumains) au restaurant de l’hôtel. Puis nous allons nous coucher pour une bonne nuit de sommeil.