Du 19/03/2018 au 29/03/2018 – République populaire de Chine – Kunming, Guilin, Yangshuo, Dazhai, Zhangjiajie…
Début de traversée de l’Empire du milieu
Le Laos a marqué une étape d’étonnement et de ressourcement. Heureusement car nous sommes à l’orée de la Chine. Immense pays aussi grand que notre curiosité de le parcourir – une seconde fois pour Barbara – de découvrir ses cultures plurimillénaires et sa vie contemporaine. Au départ de notre voyage, le gouvernement chinois avait interdit la possibilité de faire son visa hors de son pays d’origine. Nous avons tellement craint de ne jamais pouvoir le faire hors de la France, mais nous y sommes parvenus. Néanmoins, comme pour des pays comme les USA, la Russie, nous sommes conscients que le Visa ne nous garantie pas l’entrée dans le pays.
Dans l’espace Schengen, nous avons oublié la notion de frontière : une ligne, bien souvent inventée par l’Homme, qui sépare. Malgré que nous soyons conscients de la chance d’être français, des facilités que cela implique, nous avons toujours une petite tension au passage de celles-ci. D’autant plus après notre mauvaise expérience laotienne. Nous savons que parfois cela ressemble à une roulette russe administrative, alors une roulette chinoise administrative… Nous descendons du bus, les douaniers vérifient brièvement nos sacs. Ils questionnent Barbara avec deux mots d’anglais sur notre voyage. Une machine prend notre température (pour une mise en quarantaine éventuelle en cas de fièvre ?), puis chacun de nous se place dans une file. Barbara passe facilement, Aurélien non. Le douanier garde son passeport, le passe et repasse sous la lumière bleue. Tout le monde passe pendant que le petit livret est épluché, scruté comme un diamant dont on cherche l’impureté. Les minutes s’écoulent, Barbara en profite pour mettre ses talents de négociatrice à l’œuvre. Avec les chinois elle sait faire, il y a 8 ans elle avait fait son premier grand voyage en Chine. Elle obtient à très bons taux nos premiers yuans en échange de dix dollars. Plus de 10 minutes sont passées, un responsable arrive et demande à Aurélien de changer de bureau. Seul face à eux : « Do you speak chinese ? » « No. ». Reprise du manège, des pages qui se tournent, de la lumière bleue qui fâcheusement confirme l’authenticité des documents. Pendant ce temps, il est impératif de garder un calme énergique, d’ignorer la fatigue du corps brimbalé depuis 6h du matin sur une route cahoteuse, de l’impétueuse curiosité d’arpenter le pays. Aussi de ne pas rire de l’ironie des écrans de satisfactions disposés devant les bureaux de contrôles, en effet il est possible de noter la qualité du service frontalier en appuyant sur des smileys aux expressions équivoques. Finalement après la vérification du supérieur, le visa est enfin tamponné par le douanier. Nous remontons dans le bus, nous entamons les premiers kilomètres de la dizaine de milliers qui nous attendent !
C’est à peine 30 petites minutes après que nous nous arrêtons. Il n’est pas encore 18h que c’est l’heure du souper. Dans une gargote, nous arrivons à nous faire comprendre pour deux soupes de nouilles aux légumes. Barbara met à profit son expérience pour signaler de la main que nous voulons manger. Elle simule un bol d’une main, de l’autre elle mime deux baguettes avec les doigts qu’elle porte à la bouche depuis le bol. Cela marche, elle fait même rire le couple qui tient le troquet quand elle rajoute « Bou là » (pas de piments). C’est un premier dîner parfait et délicieux. La gastronomie chinoise nous attire beaucoup. Nous nous régalons. Pause pipi faite, nous remontons dans le bus en direction de Kunming. La région est très verte, très arborée. Paradoxalement, être en Chine nous reconnecte avec des infrastructures occidentales. Il y a des ponts en béton qui enjambent les vallées, de nombreuses stations essences aux parkings démesurés, des péages scintillants dans la nuit. La route est sans aspérités. Les panneaux de directions sont traduits en anglais, certainement pour les chauffeurs laotiens ou d’autres nationalités. Le bus se gare sur un parking de station-essence, nous y passerons la nuit allongés dans nos couchettes, bercés par les ronflements de nos voisins.
Nous sommes le 20 mars, nous repartons avant le lever du jour. Après 24h de route, notre trajet en bus le plus long du voyage, nous descendons à Kunming, dont les hauts immeubles s’élèvent dans les premières lueurs du matin. A notre descente, c’est comme un saut dans le futur. Comme si la nuit avait été en réalité un saut temporel ! La veille les maisons étaient principalement en bois, les routes étaient plus semblables à des pistes. Là, nous sommes de retour dans un environnement où tout est construit en dur, où l’électricité brille de partout comme en Corée du Sud ou à Taïwan. Premier objectif réalisé, nous parvenons à retirer de l’argent. Ensuite, nous prenons le métro aérien extrêmement neuf pour rejoindre la gare sud. Barbara n’en revient pas comment Kunming a changé de dimension ! Les chinois nous scrutent discrètement alors que nous sommes ébahis par la ville. Aux guichets, nous tentons pour la première fois d’acheter les billets de train. La dame parle anglais, sans un sourire, le prix est plutôt très cher. Dans un premier temps nous avons un doute sur le fait qu’il y aurait un prix spécial touriste. Barbara ne se souvenait pas que le train était si cher. Finalement nous prenons les tickets en direction de Guilin.
Le bâtiment de la gare est immense. A l’entrée, il y a une brigade armée en poste, avec chiens et mini-tanks. Il faut présenter son passeport accompagner du billet de voyage, passer les sacs aux rayons X, passer nous-même par les portiques détecteurs de métaux. C’est impressionnant, encore plus qu’au passage de la frontière. Les cartes d’identités chinoises sont scannées, il est évident que tout déplacement est enregistré. Nous voilà à l’intérieur de la gare… de la gigantesque gare ! Elle est démesurément grande, on pourrait penser à un aéroport international ! Heureusement les chiffres arabes sont internationaux, nous nous dirigeons facilement vers la direction du quai. Il y a de l’eau potable disponible. Comme le train ne part pas de suite, nous en profitons pour manger une soupe de nouilles chinoises, le genre de plat que nous ne comprenons pas l’absence dans les restaurants chinois en France. Avant de passer les portes automatiques qui ouvrent vers le quai, nos billets sont recontrôlés.
Le CHR (ou le TGV chinois) est très réussi, confortable, blanc avec de l’imitation bois, hôtesses en uniforme chic. Le tout donne une impression de luxe tout en sobriété. Pourtant nous sommes en seconde classe et les chinois qui nous entourent ressemblent aux français prenant le train : étudiants, jeunes travailleurs, salariés, petites familles. Ce que nous remarquons le plus c’est que le train ne bouge pas même à 350km/h. En France les lignes grandes vitesses secouent un peu, ici c’est comme si nous glissions sur la neige. Nous comprenons le prix du billet qui va de pair avec la qualité de l’infrastructure. Durant son voyage précédant, Barbara n’avait que les trains régionaux qui sont d’un autre temps et coûtent beaucoup moins cher. C’est d’autant plus appréciable pour savourer les plaines agricoles du Yunan. Malgré leurs étendues, la mécanisation ne semble pas dominer les pratiques, mais l’usage des pesticides oui. Il y un nombre incalculable de nouvelles constructions en cours, petites et grandes. Les bâtiments du passé avec les grilles au fenêtres cohabitent avec les nouvelles surfaces vitrées. Quelques chinois dans la voiture du train se raclent la gorge. Nous réussissons à entamer la discussion avec notre voisin du nom de Peng. Il nous parle de ses voyages en Thaïlande, il nous apprend qu’il y a 40 sous-langues officielles en Chine. Il en maîtrise 4-5 nécessaires à son métier de négociant en fruits en légumes. Comme nous devrions passer par Kunming au retour, il nous donne ses coordonnées en insistant pour le contacter à ce moment. Nous sommes ravis, nous n’y manquerons pas. A la fenêtre, les formes karstiques verdoyantes ondulent comme les bosses d’un troupeau de chameaux.
Après quelques 7h de train et quelques 1000 km, longeant un somptueux paysage sur lequel le soleil a lentement décliné, nous arrivons à Guilin. Nous ignorons les rabatteuses qui nous haranguent leurs meilleurs prix de transport pour aller à Yangshuo. Peng nous indique sur son téléphone l’itinéraire pour rejoindre notre auberge. En marchant, Barbara ne trouve pas que la ville ait dans son ensemble beaucoup changé. Mais certaines choses oui, par exemple, il y a systématiquement deux poubelles : une pour le général, une pour le recyclage. Les rues sont plus propres. Un autre détail est l’étrange calme de la ville malgré la circulation dense, les moteurs électriques ou hybrides composent la majorité des véhicules. Les scooters ont pris la place des vélos, même si on trouve des vélos en accès libre comme les vélibs. Quelques chinois continuent cependant à utiliser leurs vieux vélos. C’est étonnant de marcher en Chine, plus qu’ailleurs, le passé et le présent cohabitent à travers les visages, les enseignes, les comportements. Nous arrivons à l’auberge, un super établissement pour une somme modique. La jeune femme qui nous accueille parle parfaitement anglais, elle a un très beau visage entouré de longs cheveux d’encre. Elle nous donne des conseils sur la région. La chambre est très bien équipée mais sans fenêtre. Nous ressortons manger, mauvaise pioche cette fois, les nouilles de nos soupes sont immangeables. Nous manquons de nous étouffer plusieurs fois en les avalant. Alors nous nous réconfortons avec des desserts chinois cette fois bons.
Le lendemain, nous marchons jusqu’à la gare routière. A notre arrivée, les rabatteuses nous crient leurs prix. Cependant, grâce à l’expérience de Barbara, nous savons qu’en Chine il est possible d’aller partout grâce aux bus publics (merci le communisme d’antan). Au guichet, aucun souci, nous obtenons notre ticket pour Yangshuo pour un départ dans 10 minutes. Tout est écrit en chinois, nous ne pouvons faire que confiance. La route se passe bien, nombreux sont les chinois à utiliser encore les triporteurs. La Chine nous donne cette impression d’aller tellement vite que chaque génération semble ne pas à avoir eu le temps de changer les outils de leurs temps.
D’ailleurs la petite ville Yangshuo s’est considérablement agrandie depuis le passage de Barbara il y a huit ans. Au milieu d’un paysage magnifique composé de pics karstiques et de rivières, les quelques rues touristiques sont devenues un centre ville dédié au tourisme ! Nous faisons halte pour le déjeuner où Aurélien s’essaye à la spécialité de Guilin : les pâtes au piment. Très brûlant et peu parfumé, le piment remporte la victoire, il ne finira pas le plat et évitera le piquant de l’Empire du milieu à l’avenir. Nous gagnons l’auberge, sorte d’hôtel dans un bâtiment néo-industriel. Nous nous sommes permis de prendre une chambre privée avec vue, c’est un régal d’être en plein milieu d’un tel décor naturel. Accompagnés des lumières de fin du jour, nous profitons des vélos mis à disposition pour nous balader le long de la rivière Li. Revenus au centre ville, nous laissons nos montures. Attablés sur des petits tabourets, nombreux sont les chinois à jouer aux cartes. De l’autre côté de la rivière, les ondulations karstiques se fondent dans le drapé de l’horizon. Les panneaux de direction sont traduits en anglais et français, la ville attire définitivement les voyageurs !
Nous nous engouffrons dans la rue Ouest, ou pourrions-nous dire que nous embarquons dans le tourisme moderne chinois. Des néons de toutes les couleurs en sinogrammes éclairent des boutiques en tous genres. Comme la concurrence est très féroce, chaque échoppe crache une musique tonique différente des autres, ou bien un animateur harangue la foule en criant dans un micro, anime les devantures d’animations saugrenues (costume traditionnel, poinçonneur de bijou, femmes en tenues cosplay…). Des boutiques à souvenirs à celles de sucreries, des bijouteries aux restaurants, aux simulateurs avec casques de réalité-virtuelle aux palais des glaces… Ceux qui n’ont pas les moyens de tenir une boutique proposent des objets à la sauvette. Au milieu les chinois en visite forment autour de nous une foule très dense, très bruyante forcément. Il y a de tous les âges, couples, familles et personnes seules. La mode est étonnamment assez proche de celle qui se fait en Europe. Il y a des animations de sons et lumières. Le Monkey Jane, bar où Barbara était venue à son premier passage en Chine est toujours ouvert ! D’une certaine manière, nous pourrions nous croire dans le reflet chinois d’une ville du pourtour méditerranéen que le tourisme a défiguré. Nous sommes des voyageurs au milieu de vacanciers. Alors, à l’accoutumée, nous préférons prendre la petite rue sombre et tortueuse de côté. Cette fois elle nous mène à un petit restaurant de spécialités du Longsheng, de la viande et du riz cuits à l’étouffée dans une tronc de bambou. C’est délicatement parfumé. Nous accompagnons ce plat par Le Plat qui va conquérir d’amour nos papilles : Fān qíe chǎo dàn (composé de tomates cuites avec des œufs). Ce plat serait à lui tout seul une raison de rejoindre la Chine à pied. Bien qu’il paraisse basique, nous ne nous lassons pas de son goût délicieux, de ses variantes en soupes. Il n’y a pas de mots pour expliquer à quel point c’est bon. Nous n’avons pas le secret de son goût magique, mais assurément son souvenir nous ouvre l’appétit à sa simple évocation.
La nuit ne s’est pas bien déroulée à cause du poêle à bois du rez de chaussée, qui chauffe l’immeuble, mais qui a enfumé notre chambre toute la nuit à cause des vents forts et une anomalie de construction. L’établissement est complet, les propriétaires gênés ne peuvent pas nous proposer une autre chambre. Ils préfèrent nous rembourser toutes les nuits en s’excusant de la gêne. Nous réfléchissons. Demain c’est l’anniversaire de Barbara alors autant se faire plaisir (ce pourquoi nous avions pris cette chambre…). Aurélien offre l’hôtel 4 étoiles (avec un prix bien moindre que les établissements européens). En attendant, nous laissons nos sacs et partons en vélo sur la piste qui longe la rivière Yulong. Très vite nous devons décliner les propositions de « bambou boat » qui est l’activité principale sur le cours d’eau. Nous préférons le vélo. Les paysages sont grandioses. L’ensoleillement magnifie l’étendue verdoyante au centre des deux rangées de pics karstiques. Ces « têtes » géantes prennent des airs de spectateurs de l’agriculture de la vallée. Ici, les paysans sèment à la main, coupent l’herbe à la faux. Les pieds dans l’eau boueuse, à l’arrière des bœufs de trait qui tirent la charrue. L’Homme et l’Animal labourent les champs. Les chapeaux pointus préservent des rayons du soleil. La précison de leurs gestes respire la transmission générationnelle. Les traits des visages sont de caractères, droits et harmonieux. Nous nous arrêtons souvent contempler ces scènes du quotidien, mais également la beauté du paysage. Ces pics de karsts sont incroyables, encore plus le sont les arbres qui ont plongé leurs racines dans ce sol minéral, à la pente vertigineuse et s’élever en hauteur. La végétation recouvre les nuances grisonnantes du karst d’une teinte chlorophylle éclatante. Tout ce vert confère à l’horizon une teinte bleutée. Au milieu de ces géantes courbes rocheuses, sur lesquelles nous nous imaginerions facilement glisser en vélo, la promenade se déroule tranquillement.
Évidemment à la pause déjeuner, nous commandons une soupe à la tomate et œufs. Tranquillement nous passons sur l’autre rive. Depuis le pont, nous apercevons les embarcations de bambous typiques avec leurs parasols aux couleurs délavées et les gilets de sauvetages orange fluo. Sur cette berge, la route bétonnée circule davantage entre les champs et les maisons. Ces dernières sont majoritairement inachevées mais habitées. C’est un autre visage de la vie locale, où nous ne sommes pas sûrs que l’eau courante soit accessible si nous nous fions au nombreux puits devant les maisons. Sur la rive d’en face, il y a toute une enfilade de bâtiments de plusieurs étages pas encore terminés eux aussi. De futurs hôtels ? Nous ne savons pas, nous constatons seulement qu’aux pieds des pics de karsts, en contraste avec la verdure semblent flotter des ossatures de bâtisses. Les gains du tourisme croissant doivent certainement attirer les habitants des alentours. Nous revenons sur la rive initiale et poursuivons. Les paysans rentrent des champs par des passages en pierre à fleur de la rivière, les bateliers ramènent leurs embarcations de bambous. La ligne des pics ondulent dans le reflet de l’eau. Le jour s’évanouit tranquillement alors que nous pédalons vers la « Colline de la Lune ». Au pied de celle-ci, nous découvrons la spécificité de ce pic, au sommet duquel s’est dessinée une arche naturelle. Nous laissons les vélos pour grimper à pied les nombreuses marches qui rejoignent la terrasse construite sous l’arche. La vue en hauteur offre une autre perspective sur le paysage où les différentes tailles des pics sont plus évidentes. L’arche est impressionnante aussi avec sa dentelure minérale qui fait penser à un arrêt sur image d’une peinture qui s’écoule. En repartant, le soleil bas dessine de noir les silhouettes des arbres qui poussent sur les pourtours des pics.
Nous rendons nos vélos à l’auberge et récupérons nos sacs. Quelques trente minutes de marche nous sépare de l’autre hôtel. En cette fin de journée, l’air est doux, nous marchons sur une petite route où nous rencontrons des chinois qui rentrent chez eux à pied aussi. Avec nos sacs sur le dos, notre tenue de voyageur, nos sacs de courses, nous arrivons à l’hôtel étoilé. C’est un très bel établissement, récent et fait avec beaucoup de goût. La chambre est immense, belle, luxueuse et confortable. Le lit est immense et d’un grand confort ! Même si le prix ne rentre pas dans notre petit budget, nous ne sommes pas déçus, c’est un extra pour l’anniversaire de Barbara. 40 euros la nuit c’est plus que raisonnable pour la qualité du lieu. Si nous étions chipoteurs, nous dirions qu’il n’y pas de placard ou étagère pour poser les vêtements. Mais il y a une douche et une baignoire ! Après avoir fait trois fois le tour de la chambre, de la salle de bain et du balcon nous nous douchons. Pour le dîner, nous ne dérogeons pas à nôtre habitude quotidienne : des nouilles instantanées.
Avec autant de confort, nous savourons le réveil. Nous montons au petit-déjeuner. Sans que Barbara le voit, Aurélien reconnaît le petit-sourire espiègle de la réceptionniste de la veille. Installés, nous commandons le petit-déjeuner (il semblerait que nous soyons les seuls clients de l’hôtel…). A la suite de nos plats, la cuisinière et la réceptionniste arrivent avec un beau gâteau, une carte et une rose. En chœur nous chantons « Happy Birthday » et Barbara peut souffler ses bougies! Elles semblent très heureuses de participer à la surprise ! Le petit sourire de la réceptionniste avait confirmé à Aurélien que leur plan établi la veille en secret était bon. Inutile de préciser que ce matin nous mangeons bien plus qu’à l’accoutumée. Nous partageons même le gâteau avec les deux charmantes dames. Ensuite nous prenons le temps, Barbara avance le blog. En fin d’après-midi nous louons un scooter pour aller à la colline de Cuiping située à presque une heure de route. Comme les autres scooters sur le côté droit de la voie rapide, nous voilà à deux sur notre monture qui pétarade. Nous nous croirions deux adolescents en fuite.
Enfin nous quittons la voie rapide, nous circulons maintenons entre les villages et les champs. Certains locaux restent stoïques à notre passage, beaucoup s’en amusent avec des grands sourires en écho aux nôtres. D’autres mêmes lèvent leurs bras pour nous indiquer la direction à suivre. Nous y sommes, grimpons l’escalier en fac-similé de la grande muraille de Chine. Étonnamment personne… nous avions dans l’idée de rester regarder le coucher de soleil mais les épais nuages en ont décidé autrement. C’est même mieux ainsi, la nuée diffuse un léger voile brumeux au ras des champs. Ci et là la lumière perce en raies diagonales sur l’étendue du paysage. Nous croirions entendre la conversation des paysans le temps d’une rare pause, le bruit de la vaisselle d’un plat en préparation. Le panorama est somptueux ! Sur les bords sinusoïdaux des cours d’eau, les champs tachettent en nuances ocres et vertes. Tels des grands chats ensommeillés, les pics de karts s’élèvent au hasard, semblant guetter affectueusement la vie des champs. Les cheminées commencent à fumer. Soudain, de nombreux petits groupes arrivent bruyants de conversations, équipés de trépieds imposants et d’appareils photos. C’est que l’heure du coucher de soleil (qui n’aura pas lieu vu les nuages) approchent. Nous avons à peine le temps de repartir que les petites terrasses sont devenues des triples lignes de photographes qui se disputent l’espace. En bas notre scooter est cerné de mini-bus et taxis. Tranquillement, nous faisons chemin inverse en nous arrêtant dans un petit boui-boui pour le dîner. A l’hôtel, Barbara profite une dernière fois du luxe de notre chambre en mettant à l’honneur la baignoire.
Non sans mal, nous quittons la chambre la plus luxueuse de notre voyage. Première étape de ce 24 mars, rejoindre Guilin en bus public. Arrivés, nous filons à notre auberge pour demander si nous pouvons laisser nos gros sacs à dos. Sans même nous demander notre nom de la réservation du lendemain, la femme de l’accueil nous répond que oui en nous indiquant les casiers. En plus, avec la même gentillesse elle nous donne toutes les informations pratiques pour rejoindre Dazhai. Lors de son premier voyage, Barbara avait rejoint à pieds les villages de Dazhai à Ping’An à travers les rizières. C’est une randonnée d’une journée dont elle garde un merveilleux souvenir grâce à ces paysages magnifiques.
Retour à la gare routière allégés de nos gros sacs, nous suivons les instructions de l’aubergiste. Nous voilà dans le bus. C’est toujours un moment privilégié pour observer la vie locale. En Chine, l’inégalité Femme-Homme semblent beaucoup moins forte que dans tous les pays que nous ayons visités (excepté Taïwan). Le bus file, sur les cartes gps de nos téléphones, nous voyons que nous dépassons notre destination. Nous remontrons à la contrôleuse nos tickets, qui nous dit d’aller nous rasseoir avec le sourire. Barbara doute, elle n’a pas confiance et lui remontre les tickets. La barrière de la langue n’aide pas à détendre la situation. Aurélien veut croire en la bonne foi la femme. Nous ne sommes pas d’accords sur l’attitude à adopter.
Plus loin, le bus s’arrête, la dame nous fait comprendre que de l’autre côté de la rue, un bus passera pour nous amener jusqu’à Dazhai. Voilà le bus, nous montrons nos tickets mais la contrôleuse nous refuse. Ce bus n’irait pas à Dazhai, mais le suivant oui. Comment ne pas faire confiance ? Nos quelques mésaventures nous ont marqués. Le second bus arrive, ouf, c’est le bon. Il reprend la même route que l’aller mais tourne à gauche à une bifurcation, s’engouffrant sur une route brinquebalante qui grimpe. Nous sommes sur le bon chemin. Pour entrer dans le « parc », qui est une succession de plateaux de rizières, ils nous faut nous acquitter d’un prix assez conséquent (plus d’une vingtaine d’euros chacun). Nous commençons à tâter la mentalité chinoise, tout se paie, même faire des randonnées. A la sortie du bus, les locaux se jettent sur nous pour nous guider à leurs chambres d’hôtes. Nous déclinons. Barbara essaie de se souvenir du chemin vers l’auberge. Depuis huit ans, ici aussi les constructions se sont multipliées. Nous essayons une route abîmée rendue à moitié boueuse par la pluie qui redouble. Il est 18h passé, la luminosité diminue, la journée a été psychologiquement éreintante. C’est en haut d’une mauvaise piste que nous apercevons sur le versant opposé celle que nous cherchions. Trop tard pour faire demi tour, nous poursuivons sur notre chemin de pierres qui circule entre les maisons. La brume nous enveloppe avec la nuit. Les lanternes des maisons prennent difficilement le relais du jour, nous ne voyons presque rien. Les clients de la maison d’hôtes où nous nous arrêtons ne peuvent s’empêcher de rire à notre vision. Il est vrai qu’ainsi trempés, nous paraissons bien ridicules à côté de leurs tenues impeccables. Le prix est fort, heureusement Barbara a encore de la ressource pour négocier (ce qui est coutume en Chine) un peu à la baisse mais se fait avoir par l’air tendre et innocent de la jeune fille qui nous héberge. Nous avons sûrement payé trop. Nos lits seront deux planches de bois dans une chambre coquette. Nous sommes heureux de faire sécher nos vêtements dégoulinants.
Le lendemain, la dame du logis nous avait prévenu la veille, avec le mauvais temps il ne fallait pas escompter un lever de soleil. Qu’importe, nous nous levons. Aurélien répète toujours la phrase de son père « Le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt ». Dans une atmosphère bleutée entre chien et loup, nous empruntons un tracé en escalier de pierre. Les rizières sont en semis, c’est à dire au début de leur pousse. La vue est superbe. Le vert éclatant des terrasses de riz contraste merveilleusement avec le bleu ténu. Une à une les lumières des maisons s’allument. Le long des versants, le mystère flotte dans le silence. En lieu et place d’un soleil radieux, une mer de nuages s’avance progressivement dans la vallée jusqu’à nous engloutir dans sa vague. Le manteau de brouillard couvrira le lointain tout le reste de la journée. Le temps d’un petit thé, nous quittons la maison d’hôte. L’esprit plus clair, nous parvenons à retrouver le bon sens de marche. Nous distinguons même le petit pont qui fait une jonction entre les deux versants, nous le baptisons « Pont de la Délivrance » ! Le chemin ondule en petit pas de pierres rendus glissant par le crachin. Nous tombons sur une auberge de jeunesse où nous nous arrêtons pour le petit-déjeuner. En plus du plat chaud, l’aubergiste nous donne toutes les informations qui nous manquait pour nous orienter jusqu’à Ping’An. Le petit déjeuner est un régal. Barbara mange un énorme pancake à la banane et Aurélien une soupe de nouille aux légumes.
Lors du premier passage, Barbara avait la vue dégagée sur de beaux paysages de plateaux de rizières du Longji. Aujourd’hui, les mêmes panoramas sont emprunts de nuées flottantes, de perles de pluie qui résistent à la gravité sur des pétales longilignes, d’une humidité qui rend la terre odorante. La pluie magnifie différemment un lieu. C’est d’ailleurs sûrement pour cette raison que nous ne croisons aucune femme des ethnies Yao et Zhuang, qui n’ont jamais coupé leurs cheveux et proposeraient aux passants de les défaire (contre de l’argent). Mais la pluie nous assure la tranquillité. Les terrasses de riz suivent la rondeur des versants. Notre route passe parfois à travers eux où nous croisons quelquefois des chevaux de trait, comme des oubliés, qui nous regardent avec le même regard hagard que le nôtre. Nous ne sommes pas sûrs s’il s’agit d’autels sacrés ou de pierres tombales, mais de nombreuses stèles jalonnent le tracé qui monte et descend. Avec la pluie qui s’intensifie, il faut veiller à ne pas glisser. Nous passons par des sous-bois, traversons des hameaux de maisons en bois où nous croisons les seules femmes de la journée. Les ponts enjambent des rivières revigorées. Parfois, quand ils ne sont pas épars, les déchets s’amoncellent tristement sur les versants. Cela contraste durement avec la propreté des villes, mais nous n’oublions pas que nous sommes ici dans une zone reculée de la Chine (touristique tout de même). Comme le paysage, nos vestes saturent d’eau. C’est trempés que nous arrivons à Ping’An vers 14h. A temps pour se restaurer et attraper le dernier bus pour Guillin qui partira à 15h. Avec toutes les boutiques et hôtels, Ping’An apparaît comme une mini-ville bouillonnante. Les soupes de nouilles aux légumes et raviolis sont délicieuses, leurs tiédeurs sont une douceur bienfaisante. La gérante du restaurant nous apportent un petit chauffage d’appoint tellement nous sommes trempés. L’histoire du bus se répète mais à l’inverse car il semblerait qu’il nous faille d’abord prendre le mini-bus local pour rejoindre un autre bus qui partira en direction de Guilin. De retour à l’auberge, où nous récupérons nos gros sacs, nous prenons une chambre privative. Au menu, lavage de nos affaires ornés de motifs de boues. Notre chambre sans fenêtre est transformée en pièce à séchage où nous laissons tourner la ventilation en espérant que nos vêtements sèchent avant le lendemain.
Pour la première fois, nous avons essayé de réserver notre train en ligne pour Chamsa. La guichetière nous confirme que cela a fonctionné en nous tendant nos tickets. Nous reprenons goût aux files d’attente pour le train. En Chine elles se forment facilement 1 heure avant le départ. Certains ont des bagages si grands qu’ils s’y assoient dessus, ils pourraient même s’y allonger. Que transportent-ils et combien sont lourds ces immenses cabas? Les chinois sont rarement souriants, parlent généralement très fort entre les nombreux raclements de gorges et crachats. En outre, l’ancienne génération aime à profiter de leur petite taille pour grappiller des places à petits coups de coudes et de sacs qui forcent le passage en suivant. La jeune génération est plus disciplinée et polie, ils attendent tranquillement. Entre la blancheur de peau de Barbara et la « grande » taille d’Aurélien, nous ne passons pas inaperçus. Dans le train, le monsieur nous laisse sa place pour que nous soyons assis à côtés. Notre « xié xié » (merci) le fait même sourire, toutes les règles ont leurs contraires. Certaines ont davantage la dent dure comme cette dame qui vocifère au téléphone et agace visiblement toute la voiture. A la gare de Chamsa, toujours aussi immense, nous nous dirigeons à l’arrêt de bus qui nous mènera à Zhangjiajie. Dans les lieux de transports, outre la présence militaire, il y a toujours d’immenses écrans qui diffusent des messages de préventions. Cette fois ce n’est pas le terroriste aux bâtons de dynamites, mais l’attitude à adopter en cas de chute en voiture dans un cours d’eau depuis une falaise…
Au premier arrêt de bus, une vieille dame monte avec une glacière. Dedans, des hamburgers de la célèbre marque américaine au grand M. En Chine, tout est matière pour faire du commerce. Il est 15h30 passé, nous cédons, cela sera notre midi. Nous ne cessons d’être étonnés par l’immensité des villes chinoises, la taille gigantesque des bâtiments en enfilade, d’être à ce moment charnière structurelle où le passé cohabite avec un présent modernisant et vorace. La vie chinoise est riche de contrastes, nous sommes constamment en étonnement. Puis c’est à nouveau la campagne avec les parcelles aux lignes arrondies. L’air de rien, nous nous sommes vite réhabitués au bus roulant sur de l’asphalte lisse. C’est avec la tombée de la nuit que nous arrivons à Zhangjiajie, qui nous apparaît comme une ville coréenne, c’est à dire frétillante de décorations lumineuses. Nous logerons à l’auberge du géographe où la dame nous distille ses conseils pour le parc de Zhangjiajie Wulingyuan. Un jeu d’échecs chinois trône dans la chambre. Comme souvent en Asie, il n’y a pas de petite cuisine dans l’auberge. Alors nous nous restaurons dans un petit restaurant du coin. Avec cette chance que la gastronomie chinoise est savoureuse, variée et très bon marché.
Le premier conseil de l’aubergiste était de prendre la première navette de la matinée en débutant par l’entrée Ouest, car nous pourrons profiter du calme du matin aux pieds des piliers de grès quartzite. Là aussi le prix d’entrée est conséquent, mais à la différence de Dazhai, le parc est très aménagé. Les infrastructures, comme les nombreuses poubelles duo (général et recyclage), se fondent dans les couleurs du paysages. Certes cela enlève le côté nature du site, mais le préserve également. Le tourisme en Chine est proportionnel à sa population, alors quand il faudra ajouter les autres nationalités. Un tableau informatif décuple notre curiosité : le parc est l’aboutissement naturel de 380 millions d’années de changements géologiques. En ont résulté aujourd’hui plus de 3000 pics (culminant souvent à plus de 200mètres de hauteur) et 800 cours d’eau. C’est dire l’exceptionnel paysage qui a pris place lentement ici. A nos premiers pas, l’air matinal est une fraîcheur bienvenue, renforcée par l’ombrage des arbres. Le soleil illumine les faces des pics qui nous attendent majestueusement le long du chemin que nous parcourons. La petite rivière que nous longeons joue sa douce musique. Derrière les branches défeuillées s’élèvent les hauts pics de karts et de grès, tantôt groupés comme pour se soutenir à la base, tantôt en fiers solitaires. Ces géants longilignes paraissent d’immenses totems d’une antre sacrée. Le lieu est emprunt simultanément de puissance et de douceur. Qu’il doit être majestueux d’être un oiseau pour voler entre de tels reliefs. D’ici bas, nous sommes ébahis par la splendeur du paysage. Assurément un des plus stupéfiants que nous ayons vus. En plus le conseil de l’aubergiste prend tout son sens car nous sommes quasiment seuls pour savourer l’instant.
Un escalier se présente, nous hésitons, mais la curiosité de voir de là-haut nous encourage. Avec les courbatures de la randonnée pluvieuse de Dahzai, la fatigue des trajets, plus l’étendue du nombre de marches, il nous en faut du courage. En même temps, l’escalier permet d’être au plus près de certains pics, de mesurer la tête relevée l’incroyable aplomb. En outre, nous prenons la pleine mesure de la hauteur qui nous sépare du sommet. Le soleil s’élève en concomitance de notre ascension. A chaque fois que nous visitons un lieu nous avons une pensée pour les constructeurs, cette fois-ci particulièrement. Nous rejoignons au sommet une passerelle en béton aménagée avec des rambardes de sécurité (le tout peint dans les couleurs du paysage). Le panorama est ahurissant ! De si haut, les pics semblent les doigts de géants sortis de terre ! Les arbres paraissent faire une course immobile vers les sommets ! Il y a de très nombreux pics, encore une fois c’est incroyable. L’idée d’être un oiseau nous revient en tête. Quelle idée de la part des chinois d’avoir ainsi aménagé le parc. Par contre, nous avons quitté la quiétude du lit de la rivière pour être pris dans une marée bruyante de touristes. Voilà qu’ils sont groupés autour d’un singe (nous en avions croisé un en bas), ils lui donnent des friandises avec l’emballage. Le primate défait le sachet plastique pour manger le contenu, mais n’a pas l’intelligence pour jeter à la poubelle recyclage le sachet… Les smartphones sont à 30cm de l’animal sauvage, les rires bruyants. Plus loin, un premier groupe se masse autour d’Aurélien pour être pris en photo avec lui. Sans un semblant de demande d’autorisation ou un merci, ni même une friandise… Ici, pas facile d’échapper aux groupes de touristes, heureusement la beauté des paysages sont une échappatoire ravissante. Nous nous rendons compte comment le travail de l’érosion a écroulé des parties entières de falaises pour laisser apparaître des colonnes résistantes. Nul doutes que d’autres s’effondreront un jour.
Nous passons de longs moments à savourer ces vues incroyables, ces reliefs que tant d’années ont façonné les aspérités. Qui plus est le temps est idéal. Enfin quand nous quittons la passerelle, la célèbre enseigne d’hamburgers américains accueille les touristes à sa sortie. Nous comprenons aussi comment tous les touristes sont arrivés : en bus par une route. Après un petit en-cas pour le midi, nous nous dirigeons vers un temple qui pointe le bout de son toit. Nous entamons la descente via un escalier, où quelques fleurs ont éclos en début de parcours. Quel lieu magique, nous ne nous lassons pas de perdre nos regards dans le lointain, à observer un pic qui semble tenir en équilibre une enfilade de cubes de pierres. Nous rejoignons le mini-bus qui fait la liaison avec la ville. En approchant du centre, nous décidons soudainement de descendre en voyant la gare pour réserver notre train du lendemain. Il y a quelques jours, nous avons reçu un message de notre amie Elise. Elle vient en Chine rendre visite à sa sœur, comble du bonheur nous pouvons nous voir à Shanghaï ! (qui n’était pas originellement sur notre itinéraire). A la descente du bus, Aurélien se rend compte qu’il n’a plus son porte-feuille. Il a dû tomber dans le mini-bus. Décision faite, Barbara part réserver les billets de train, pendant qu’Aurélien coure à la poursuite du bus. Heureusement, celui-ci tourne pas très loin à la gare routière et Aurélien s’y engouffre quelques minutes après celui-ci … mais tous les bus sont pareils ! Chanceux, Aurélien reconnaît le chauffeur et le bus (aux affiches), il le rejoint et explique la situation en montrant sa poche de jean, qu’il a perdu son porte-feuille. Le chauffeur lui propose de regarder à l’intérieur. Aurélien fouille, mais rien. Peut-être que ce n’était pas le bon bus, dans la confusion. Il fait un bref tour sur le parking, c’est sûr c’était le bon bus. En revenant sur ses pas, le chauffeur lui tend son portefeuille. Quel soulagement ! Merci, mille fois merci ! La Chine est connu pour être un pays où le vol n’est pas courant. En repartant en courant vers la gare, Aurélien trouve néanmoins son porte-feuille léger. Tous les yuans et les dollars ont disparus… Tous, même ceux de la poche discrète. Aussi vite retourné vers le bus que le chauffeur avait déjà disparu. Tous les autres papiers y sont (sachant que nos papiers d’identités et réserves d’argent sont conservés ailleurs dans une poche secrète). C’est une sensation étrange. Quand Barbara le rejoint, furieuse d’un tel acte elle décide de retourner à la station de bus afin de retrouver le chauffeur. Mais la nuit est tombée, plus personne. Un agent nous demande de partir mais Barbara n’est pas décidée. Insistant, nous finissons par sortir du parking de la gare routière et tombons sur deux policiers en poste à l’entrée. Vu leurs réactions, leurs corps dodus sous l’uniforme, leur voiturette semblable à une golfette, il apparaît clairement que l’action ne rythme pas leurs journées. Nous tentons d’expliquer la situation au commissariat où ils nous mènent. Hormis le folklore d’un commissaire cigarette au bec, nous n’en tirerons rien. Nous laissons tomber et rentrons à l’auberge. Au moins, notre vigilance de toujours séparer notre somme d’argent, conserver la majeur de celle-ci cachée, aura eu une raison dans le voyage.
Ce matin du 28 mars, bonne nouvelle. Nous sommes parvenus à réserver les couchettes du train pour cette nuit (Barbara n’avait pas pu la veille). Nous avons demandé « couchettes molles », car il n’y a plus de couchettes dures disponibles. Souhaitons qu’elles le seront au vu du prix du billet. Avant cela, nous partons découvrir le deuxième point fort d’intérêt de la ville, le mont Tianmen. Pour arriver à son sommet, il faut soit y aller par bus ou via un téléphérique. La particularité de la deuxième option est qu’il serait le plus long des téléphériques dans le monde transportant des civils. Évidemment nous faisons ce choix, en plus il s’agit d’une construction française. Dans la cabine, nous sommes avec une famille chinoise qui fait plaisir à voir. Si nous avions eu quelques bases de chinois, nous aurions facilement engagé la conversation avec le grand-père dont le sourire traduit la curiosité. Les trois générations sont excitées et joyeuses. Pour la petite dernière et les grands-parents, cela doit être la première fois qu’ils prennent un tel moyen de locomotion. Les « cloc cloc cloc » des passages relais nous rappellent les vacances dans les montagnes en France. Après le survol d’une forêt, le passage d’une crête, le câble s’étend vers les hauteurs. Le télécabine suit le fil d’acier qui s’élève très haut sur une pente raide. C’est impressionnant l’élévation sur laquelle la cabine grimpe, nous voilà tirés au dessus d’un vide de plusieurs centaines de mètres. Dans cet espace exiguë, la grand-mère chinoise et Aurélien se trouve un point commun : le vertige. Même Barbara avoue que c’est époustouflant! Sur le plan technique, c’est très fort. Ainsi suspendus dans les airs, la vue s’offre sous tous les angles de vue. Nous voyons même la route du retour en bus, véritablement serpent de béton dans la verdure.
Arrivés là-haut, la personne au guichet d’informations nous apprend qu’il faudrait 4h le temps de faire le tour entier (à l’auberge on nous avait dit 3h). Cela risque d’être limite. D’autant que la partie Est est un chemin passerelle à flanc de falaise, au bord du vide. Nous décidons de le tenter, mais le vertige est trop fort pour Aurélien. Le tracé circule au bord du vide, avec des tronçons en verre pour plus de sensations. Barbara continue sur ce chemin de verre trop effrayant pour Aurélien. Il fait demi-tour et nous décidons que nous nous retrouverons à la partie Ouest. La vue est spectaculaire, la passerelle de verre est construite au dessus du vide. Cela reste très encombré avec beaucoup de touristes qui s’arrêtent prendre des photos à chaque pas.
Pendant ce temps, après avoir non sans mal rejoint la partie sauve (éloignée du bord de falaise), Aurélien prend le temps de digérer sa torpeur. A petits pas, il arrive même à la déjouer en arpentant les ponts suspendus, sur lesquels quelques chinois lui demandent des photos. Au sommet Yu Hu, la vue offre un panorama dont les limites sont la vision humaine. Nous nous retrouvons, en échangeant sur nos impressions dans l’interminable escalator. Décidément, avec leurs constructions ahurissantes, les chinois sont les romains modernes ! Nous voilà sous l’immense arche naturelle, dont ils semblent construire un escalier sur l’autre versant, la plus haute du monde paraît-il. Elle nous impressionne, encore plus les escaliers que nous avons à descendre. Outre le nombre incalculable de marches, c’est l’étroitesse de celles-ci et la raideur de l’escalier qui nous marque ! Au moins nous prenons le temps. Une fois en bas, l’escalier et l’arche sont encore plus colossaux. Mais nous nous attardons pas trop, nous voilà déjà dans le mini-bus qui roule sur la route aux multiples virages. De retour en ville, nous mangeons dans notre restaurant favori. La fatigue irradie dans les membres de nos corps. Entre les courbatures, les transports, les réveils tôt, les habitudes chinoises, les longs trajets, nous n’avons pas marqué de véritables pauses depuis notre entrée dans le pays. Nos soupes aux légumes sont bienvenues. L’impatience de voir Élise nous donne aussi un supplément d’énergie. Nous faisons des courses pour le train et notre dîner du soir : comme à notre habitude en Asie, soupe de nouilles instantanée cuites au samovar. Les couchettes sont réellement molles, nos corps s’y abandonnent alors que les villes défilent dans la nuit.