Du 19 au 27 décembre 2017, Japon : Nara – Kyoto(fin) – Hakone – Yokohama – Kamakura – Yokohama
Expériences nippones singulières
Après être arrivés à Kyoto, où nous venons d’y vivre une merveilleuse semaine conciliant les arts de la scène et l’expérience du voyage. Le 19 décembre, nous choisissons de partir visiter Nara.
Le Japon était pour nous une des grandes attentes de ce voyage, comme un pays chimérique, presque inaccessible, qui aujourd’hui se concrétise autour de nous. Au pays du soleil levant, la beauté, les manières et le raffinement ne cessent de nous enchanter. De la gare de Kyoto, nous prenons un train local pour rejoindre la petite ville de Nara, plus au sud. Si le surnom de cette dernière est « petite sœur de Kyoto », notre impression a été de deux villes bien distinctes. Et cela immédiatement dès la sortie de la gare car caracolent dans les rues de nombreux daims. Des cervidés ou shika en chair et en os, bien vivants, sur les trottoirs, au milieu de la route, dans les boutiques, partout. Dès qu’ils aperçoivent un de leur cousin humain, ils s’approchent de lui en quête de nourriture, mais détournent instantanément leurs chemins si leurs besoins ne sont pas satisfaits. Parmi les personnes asiatiques qui achètent les petites galettes désirées, certains ont peur de donner à manger aux animaux. A peine entourés des daims qu’ils prennent leurs jambes à leurs cous tout en criant. D’une certaine manière si c’est appréciable d’approcher un tel animal si près, c’est aussi un peu affligeant comme spectacle. L’animal a perdu de son aura sauvage, il erre entre les hommes « mendier » des gourmandises. Les leurrer est un jeu d’enfant, nous leur tendons la main et ils accourent.
L’ancienne capitale du Japon est très agréable à s’y promener. Nous rejoignons le Todai-ji, dans lequel nous rentrons par une porte massive en bois. De chaque côté intérieur se trouvent deux statues (de divinités) aux expressions et à la musculature bien marquées. Nous restons quelques instants stupéfaits par la beauté des ces sculptures. A l’intérieur de la cour se trouve le temple bouddhique Daibutsu-den (qui est la plus grande construction en bois du monde). C’est très impressionnant et imposant. D’une certaine manière, nous nous croirions revenus aux temps des grandes civilisations passées. Avant de rentrer à l’intérieur, des croyants font des vœux et brûlent des bâtons d’encens. A l’intérieur se trouve un des plus vieux Bouddha du Japon. Trois immenses statues nous font face, un bouddha géant en bronze encadré par deux plus petits en or. L’assise du plus grand bouddha rayonne avec plusieurs petites statuts de Bouddha. Devant lui des offrandes. Le lieu nous saisit immédiatement de spiritualité. Il y a une quiétude et une énergie ténue qui nous enveloppe. Est-ce dû à l’association de l’édifice organique en bois et le minéral du bronze du Bouddha ? Nous ne savons pas. D’autres statues géantes aux expressions affirmées, inquiétantes et presque agressives sont là. Le grand bouddha n’en reste pas moins impressionnant. Pour avoir une idée le trou de sa narine fait : 50cms de diamètre. Il mesure 18 mètres de haut.
Nous poursuivons notre chemin jusqu’au Kasuga-taisha. La promenade passe au milieu d’une forêt où les daims sont toujours en liberté. La Nature au Japon est toujours très particulière. Les mousses végétales sur les pierres, les sculptures pas forcément droites bordent des chemins pas nécessairement arrangés, la lumière basse à cause des feuillages des arbres. Tous ces éléments créent une atmosphère mystérieuse. L’ensemble du Kasuga-taisha est une sympathique visite avec ses différents bâtiments rouges vermillon, ses rangées de lanterne en bronze ou dorées. D’ailleurs une petite salle obscure donne une idée de l’ambiance nocturne lorsqu’elles sont allumées. Nous terminons en nous promenant dans la ville, passant à côté de monuments religieux comme une pagode et un temple. Puis dans les rues de la ville, au milieu desquelles nous découvrons au hasard une maison traditionnelle à visiter. Comme souvent il faut au préalable se déchausser pour découvrir les différentes pièces séparées par des portes coulissantes. Les intérieurs japonais sont très empreints de sérénité, tout y est bien agencé avec élégance et sans superflu. Avec la fin du jour nous retournons dans les rues, c’est toujours étonnant de constater à quel point leurs lignes électriques sont basses. Tranquillement nous rentrons sur Kyoto, où nous prenons nos tickets de bus pour le lendemain soir. Nara nous a enchanté.
Pour notre dernière journée à Kyoto, nous partons d’abord visiter le Pavillon d’Or. Si sa première construction date du XIII ème siècle, comme de nombreux bâtiments en bois celui-ci a subi de nombreux incendies et reconstructions. Le dernier en date est de 1950 provoqué par un moine mentalement déficient. Comme le nom du lieu l’indique, la bâtisse est couverte à deux tiers d’or. Sa forme est plutôt brute. C’est d’avantage son jardin avec sa grande mare et ses gros poissons qui nous séduit. Après le déjeuner, comme souvent dans une supérette, en bus de ville (toujours dans cette élégance d’antan), nous rejoignons la bambouseraie Arashiyama. Avant d’y rentrer, un pont en bois attire notre attention et admiration. Surplombant la rivière, il dégage une réelle impression majestueuse. Revenant à la bambouseraie, les bambous sont effectivement très hauts. Mais étrangement le célèbre chemin entre ceux-ci se révèle très court. Peut-être nous attendions nous à une plus longue promenade après toutes les choses positives que nous en avions entendues. Que cela ne tienne, nous continuons la promenade qui nous emmène vers un quartier ancien mais riche de la ville. Les habitations sont très sobrement décorées, mais l’élégance de certaines ne font pas douter du coût de tels raffinements. Nous marchons au hasard des rues, nous imprégnant de l’atmosphère nippone. Puis, nous retournons à l’auberge manger et nous nous dirigeons vers la gare pour prendre notre bus de nuit.
Comme les japonais ne font rien comme les autres et aiment être aux petits soins, des chaussons sont fournis dans le bus de nuit pour se sentir comme chez soi. Chaque siège est séparé par un rideau latéral pour la tranquillité du sommeil. Inutile de préciser que la conduite japonaise est d’une grande douceur et les routes d’une grande qualité. Nous nous endormons facilement. Arrivés à Odawara le matin, nous prenons ensuite un train local pour terminer le trajet et rejoindre Hakone. Au Japon le réseau ferroviaire est impressionnant et d’une très grande qualité. Il est possible de rejoindre presque toutes les villes grandes comme petites en train. A la sortie du train, nous découvrons Hakone, ville appréciée des japonais pour ses nombreux onsens (bains d’eau chaude) et sa proximité avec la montagne. Aussi, la ville est célèbre car elle est un point de départ pour aller observer le Mont Fuji. Ville appréciée égale ville chère, néanmoins elle est très charmante avec la rivière qui la traverse. A l’auberge impossible d’avoir la chambre plus tôt ou se doucher car c’est « cleanning time », les quatre-cinq heures journalières où les japonais nettoient de fond en comble les intérieurs des auberges. Il est 11h30, nous nous motivons, nous déposons nos sacs et partons à l’attaque du chemin de randonnées qui nous sépare du lac Ashi. Très vite nous nous retrouvons sur le chemin Edo conçu quatre siècles avant notre passage. Plusieurs tremblements de terres l’ont endommagé mais rend la ballade encore plus intéressante. Si nous regrettons quelques fois que nous nous longeons trop près la route, la ballade est dans son ensemble une immense respiration d’air frais et de verdure. Le soleil filtre soigneusement entre les différents branchages de la forêt. La végétation japonaise ne cesse d’épanouir nos sens. C’est une grande frustration de ne pas avoir davantage de connaissances en botanique. Le chemin est plutôt ardu par moment, il grimpe. Au fur et à mesure de notre progression, comme nous dépassons les 14h et dépensons nos calories, notre estomac se réveille. Nos papilles s’imaginent accueillir un délicieux jambon beurre, tout notre corps réclame un bon petit plat français ! Nous pensons au pain et à des bons produits mais rien ne tombera du ciel alors que nous grimpons de plus en plus vers celui-ci (particulièrement un interminable escalier…). Ça y est, nous atteignons le sommet, le chemin descend !
Le lac Ashi est visible, nous courrons jusqu’à sa berge ! Plus que la faim, nous sommes impatients de voir le Mont Fuji pointer son sommet de l’autre côté du lac. C’est raté, plusieurs nuages épais en décident autrement. Alors que la vue est dégagée, un groupe de cumulus blancs se tassent exactement dans la direction du sommet. Sûrement qu’ils l’enveloppent comme un drap blanc. Ce n’est pas grave, ainsi est la Nature. Nos estomacs de toute façon nous rappellent leurs besaces vides. Le long de la berge tout est presque fermé. Hormis une boulangerie hors de prix, quelques restaurants peu inspirants sont là. Nous y mangeons, ce n’est pas très bon. En plus, nous nous sentirons barbouillés après. Le soleil descend doucement sa lumière d’or sur le lac. C’est magnifique. Nous marchons jusqu’au grand torii qui a les deux pieds dans l’eau, une file de touristes attend son tour pour une photo devant lui. Nous préférons monter au temple qui nous étonne par sa couleur rouge carmin et sa belle fontaine de dragons. De retour au lac, nous nous délectons des dernières nuances du jour, lorsque les teintes pastel du jaune et du bleu dansent sur les toiles du ciel et de l’eau.
De retour à l’auberge, nous nous séparons. Il y a deux onsens, un en extérieur et un en intérieur. Comme ces bains se pratiquent nus, ils sont séparés par genre. Ce soir Barbara a le plaisir d’être en intérieur, Aurélien en extérieur. Petite douche avant de rentrer dans le bain en pierre. L’eau est à quarante degrés. De son côté, Aurélien est seul. Et Barbara fait la trempette avec une taïwanaise. Dehors, comme il fait plutôt froid, il est agréable de s’immerger complètement laissant seuls les yeux hors de l’eau. Le regard plongé dans le ciel, quelques étoiles brillent.
L’auberge est très certainement une des plus belles où nous ayons dormi. Les boiseries de la salle commune (le parquet en clapotis, les tables, les chaises…) sont du plus bel effet. De plus un balcon offre une belle vue sur la montagne. Après plusieurs hésitations, nous nous décidons à renouveler notre tentative à voir le Mont Fuji, mais d’une autre manière. Premièrement nous empruntons un train de montagne, charmant une nouvelle fois d’un chic du passé. Il n’y qu’une voie pour grimper la montagne, le train fait un vrai zig-zag. Une fois il grimpe vers la droite, puis repart vers la gauche, et vers la droite, et vers la gauche… Nous nous croirions dans un autre temps. Ensuite, c’est à bord d’un funiculaire que nous poursuivons notre ascension. Au sommet, nouvelle étape nouveau moyen de locomotion, c’est dans une télécabine que nous montons pour rejoindre Owakudani. Le vent fouette avec violence les vitres de la télécabine qui ne bronche pas d’une oscillation. A peine passons nous une première crête que nous apercevons au loin le tant espéré sommet. Autre chose détourne notre regard, sous nos pieds dans un paysage d’apocalypse, d’épaisses fumées dévalent la pente de la montagne. Sous ces brouillards mouvants, tout est d’une couleur jaune acide: du souffre.
La télécabine arrive, nous descendons. Le souffle du vent est hyper-froid, et le vent c’est ce qu’il y a de pire, il s’engouffre partout jusqu’à la chair. Mais la joie est trop grande, nous approchons du mieux que nous pouvons le géant montagneux. Nous peinons à croire que l’instant est réel. Le Mont Fuji est devant nous, majestueux, paisible, et avec son sommet enneigé. Nous sommes ébahis. Et puis, soudain, c’est comme un gros pincement au cœur, un vague à l’âme de tristesse. Si neige il y a, elle est très clairsemée. Beaucoup plus que dans les photos que nous avions vu dans le passé où le sommet était couvert d’un manteau blanc. Nous demandons aux japonais s’il s’agit d’une impression, ils nous confirment que d’année en année, l’épaisse couche blanche est de moins en moins présente. Le réchauffement climatique est indéniablement la cause.
Pour nous remonter le moral, nous mangeons des œufs d’Owadukani. Ils sont doublement particuliers : d’une part parce que leurs coquilles sont noires (car ils sont cuit dans le souffre), d’autre part ils allongeraient la vie de cinq années. Nous gagnons chacun dix sept années de vie supplémentaires ! Haha !;D Au retour, le funiculaire a quelques petits soucis, nous sommes contraints d’attendre dans le froid 1h un bus en remplacement. La chaleur du onsen fera oublier ce moment.
Le 23 décembre, c’est avec un train local que nous rejoignons Yokohama, 3ème ville du Japon. Nous y arrivons alors que la nuit couvre déjà le ciel de sa tenture noire. C’est surprenant de sortir d’un train dans une gare semblable à une station de métro et se retrouver instantanément dans la ville. En plus le quartier où nous sommes rappelle les villes japonaises dans les mangas avec les restaurants, les nombreux escaliers qui montent à travers les habitations, les nombreux passages à niveaux et leurs sons d’avertissements. C’est un peu magique comme impression d’y sentir cette atmosphère nippone réellement. Ce soir nous dormons chez Kotaro, un japonais qui accepté de nous héberger. Nous nous perdons mais trois japonais nous remettent sur le bon chemin. Comme c’est de coutume nous retirons nos chaussures avant d’entrer. A gauche du petit couloir d’entrée, cuisine, salle de bain et toilette. Puis la salle principale avec au dessus une grande mezzanine. C’est là-haut que nous dormirons. Kotaro est adorable et très sympathique. Il vit ici seul pour le travail, sa femme et ses filles sont dans le nord du pays. Il ne s’en cache pas, il s’ennuie dans son travail. Du coup, son passe temps favori est de réparer tous types d’objets électroniques. Il nous parle du gâchis dans ce domaine des japonais en citant par exemple comment de nombreux japonais jettent leurs téléphones de la marque à la pomme dès que le nouveau sort. Aussi, il nous présente deux versions d’un ami que nous avons en commun : un R2-D2 frigo à bière et un R2-D2 comme en possède Cédric, le cousin d’Aurélien. Enfin, à notre question comment devrons-nous fermer la porte d’entrée de chez lui le lendemain, il nous surprend en nous répondant calmement et naturellement qu’il n’a jamais fermé à clef la porte d’entrée de chez lui. Jamais ? Jamais. La sérénité de vie japonaise a très peu d’égal dans le monde.
24 décembre, jour du réveillon de noël ! Pour ce jour spécial à nous occidentaux (pour les japonais nous y reviendrons), nous débutons la journée en rejoignant un lieu très particulier : le Studio de Dance de Kazuo Ohno. Il s’agit du studio de danse où Kazuo Ohno et Tatsumi Hijikata, les deux pères fondateurs du Butoh, ont expérimenté leurs premières danses. Aujourd’hui, Yoshito Ohno (le fils), qui a longtemps observé son père et Hijikata danser, continue à faire grandir cette danse. Dans ce lieu chargé de très belles histoires, il dispense deux fois par semaine des ateliers. A peine rentrés que nous sentons une certaine énergie en émaner. Il y a une atmosphère. Une photo de la venue de Pina Bausch (chorégraphe allemande immensément talentueuse et très chère à nos cœurs) renforce ces premières sensations. Un petit groupe est déjà là, d’autres viendront pendant le cours. Yoshito Ohno arrive, frèle, le visage marqué, les mains expressives. Sans échauffement, il nous donne une première consigne, que Philippe (un universitaire français de passage au Japon) nous traduit (avant qu’une japonaise le remplace au prétexte qu’elle traduira mieux en anglais…). Musique, puis une autre consigne et ainsi s’enchaînent les indications (« danser en pensant l’Univers plus grand que soi », « imaginer les mouvements de la fleur »…). Les pistes de recherche sont parfois intéressantes, nous sommes libres de nos mouvements, mais nous n’avons jamais de retour concernant nos improvisations. Bien sûr il s’agit d’une recherche corporelle personnelle, mais nous aurions aimé des points d’ancrages et d’échanges avec Yoshito Ohno. A chaque fois nous partons vers un nouveau thème, ses assistants prennent des notes de nos mouvements, il arrête la musique, nous passons à autre chose. Au moins les deux heures nous permettent de traverser nos corps des questionnements, des pistes de recherche, de la danse du butoh. En outre, à la fin un goûter de Noël est organisé. Cela nous permet d’échanger avec les différents artistes et personnes présentent à l’atelier. Un super moment. Après une bonne heure, nous nous rhabillons à filons prendre le train pour Kamakura.
Noël n’est clairement pas une fête d’importance au Japon, aucune décoration lumineuse ni Père noël. Simplement quelques Merry Christmas sur les boutiques à souvenir, les hôtels, où des musiques en boucle dans les allées marchandes. Pour un Noël loin de nos familles, si nous ne savions pas que nous étions le 24 décembre, rien nous l’indiquerait vraiment. Évidemment nous pensons très forts à nos deux familles, à ce jour qui nous réunit autour d’un bon repas en temps normal. Avant de partir nous étions conscients que ces jours de fêtes se feraient loin d’eux. Du coup, pour fêter ce jour particulier, nous nous sommes offert une nuit à Kamakura. C’est un peu la station balnéaire des tokyoïtes. Ce qui nous intéresse c’est son grand Bouddha qui sera notre Santa Klaus de l’occasion. Petit repas à une épicerie, deux trains locaux et nous voilà arrivant à Kamakura. Nous sommes seuls dans notre dortoir un peu plus haut standing pour l’occasion ! Barbara file dans le onsen se délecter de l’eau chaude. Quand nous ressortons, bien qu’il ne soit pas si tard, les boutiques sont déjà fermées. Le temple qui nous a été conseillé aussi et … la plupart des restaurant aussi. 🙁 Nous marchons longtemps à la recherche d’un bon restaurant, mais il est déjà 21h, la quasi-majorité sont déjà tous fermés ou n’acceptent plus de clients. Finalement nous arrivons à 21h22 dans un restaurant à hamburgers, le serveur est clair : « Si vous n’avez pas commandé avant 21h30, la cuisine sera fermée et nous ne pourrons pas vous servir ». Joyeux noël ! Sachant que le restaurant ferme à 22h, nous avalons plus que nous savourons les hamburgers (qui en plus ne sont pas très bons…). Au moins nous avons le plaisir de trinquer deux bières (pas très bonnes non plus). Bon il est 22h10, c’est Noël dans une ville où l’ambiance est mortelle = absolument personne. Action réaction compagnon ! Barbara propose que l’on aille se boire un peu de saké sur la plage pour fêter quand même. A la supérette, nous achetons des viennoiseries par milliers comme le dit la chanson, et une petite bouteille de saké à moins d’1 euro (plus semblable à un verre rempli et fermé par un opercule). Ça c’est un repas de Noël. Nous filons à la plage et il se met à pleuvoir ! Oui oui ! Ça ne pouvait pas être pire ! Donc nous voilà dans la semi-obscurité au son des remous des vagues, sous la pluie, la bouche à demi-pleine à chanter Petit papa Noël de Tino Rossi! Comme nos talents de chanteurs ne plaisent pas à tout le monde, les nuages nous arrosent encore plus de pluie ! Le saké est à la hauteur de son prix, dégueulasse, mais au moins nous festoyons ce jour de fête en nous amusant sur le sable. Nous nous attendions à ce que Noël au Japon se passe de manière inhabituelle, ce fut bien le cas !
Au matin pas de déballage de cadeaux, mais la découverte de nombreux surfeurs en bord de plage et dans les vagues. Et surtout : d’un grand soleil ! C’est presque comme si nous étions l’été ! Après un petit temps à les observer, nous continuons. Sur la route sont indiquées les rues d’évacuation en cas de Tsunami. Nous arrivons à la statue du Bouddha de Kamakura. Grand de plus de treize mètres, lourd de plus de cent vingt tonnes, il est assis les jambes en tailleur et avec une expression de chat mi-sommeil mi-éveil. Il a une belle couleur de bronze oxydée vert. Il est massif, pour donner une idée une oreille mesure une hauteur d’1m90. Comme souvent nous pouvons même rentrer à l’intérieur d’où nous voyons les différents joints des trois parties qui ont permis sa construction. Ajoutons qu’en 1960, le Bouddha a été déplacé puis remis en place sur plaque anti-sismique. Nous poursuivons notre visite avec un temple aux jardins très élégants (nous nous excusons de répéter « beau », « élégant »… mais le Japon est réellement ainsi). De retour sur le bord de plage, nous nous offrons un vrai repas de noël dans un restaurant italien. Puis un désesrt dans un café un peu plus loin : banana split pour Barbara et chesse-cake pour Aurélien. Sur la plage, nous restons à profiter du beau temps et des surfeurs glissant sur les vagues.
Si nous faisons le plein de soleil, c’est que nous allons ce soir retourner à Yokohama. Nous arrivons de nuit, nous logerons dans le centre cette fois. Autour de nous le centre ville n’a aucun charme, simplement de hautes tours et des routes. Très impersonnel. Nous nous demandons comment va se passer la nuit ce soir car nous n’avons jamais dormi dans un « hôtel-capsule ». La particularité de ces établissements est de proposer des dortoirs avec des lits cloisonnés, comme des étagères de lits à compartiments individuels. Apparemment est fourni un pyjama pour rester dans l’hôtel. En attendant, à la porte d’entrée une affichette nous met doublement dans l’ambiance « No Gangs » « No Tatoos » (interdit aux gangs et aux tatouages). Pour les gangs c’est bon (certainement que des yakuzas traînent en ville), pour les tatouages c’est plus problématique car Barbara en a un petit sur le pied. Nous verrons. A l’accueil, les réceptionnistes ne parlent aucun mot d’anglais, ce qui n’est pas un drame, mais ne font aucun effort pour comprendre nos petites phrases de japonais. Très franchement, pour la première fois au Japon, nous sentons que nous ne sommes pas les bienvenus. Malgré tout nous parvenons à faire notre enregistrement et montons chacun à notre étage-dortoir (séparé par genre).
Avec chacun son petit sac bandoulière avec serviette, claquettes et pyjama-short, nous montons découvrir les lits capsules. Barbara monte au sien. Elle a la très mauvaise surprise de découvrir que les bains et douches sont interdits aux personnes avec tatouages. En plus son casier est placé dans l’espace douche où les affiches No Tattoos sont affichés sur tous les murs. Situation assez inconfortable… Faire comme si de rien n’était ou respecter les affiches ? Nous verrons. Du côté d’Aurélien, après s’être déchaussé et enfilé les claquettes, il découvre le dortoir. L’impression première est d’une enfilade géante de fours de cuisine, où dans un autre registre de mini-garages à êtres humains allongés. Une fois à l’intérieur l’effet est renforcé. Il y a même un écran à télévision avec son casque par capsule ! Dans le dortoir hommes, il y a ainsi 50 capsules !!! Pour éviter le brouhaha, il est interdit de parler dans le dortoir. Ce qui n’empêche pas les ronflements (et pas seulement ceux du nez…) qui résonnent dans entre les parois. Pour le côté positif c’est très propre. Nous nous retrouvons en bas, dans l’espace commun qui est une bibliothèque à mangas (le rayonnage dédié au public masculin est étonnamment grand…), nous trouvons un peu l’ambiance glauque mais c’est l’expérience. Le bon côté est qu’il y a du riz et de la soupe à manger gratuitement. Sur les sièges à côté, mis à part quelques lecteurs, certains dorment sur leurs fauteuils. Nous découvrons que les sièges peuvent être loués pour une ou plusieurs heures (voir la nuit) avec l’accès aux bains et douches. Idem pour les capsules, les volets roulants s’ouvrent et se ferment toute la nuit. Nous comprenons que certains japonais ne viennent que passer quelques heures. Par exemple s’ils ont travaillé jusqu’à tard dans la nuit au bureau et veulent prendre une douche, faire une sieste avant d’y retourner. Nous comprenons aussi qu’il doit y avoir des trucs un peu plus louches pour que soit affiché partout « Pas de Mafia » « Pas de Tattoos » : les tatouages étant affiliés aux Yakuzas.
Le jour qui suit, nous la passons à travailler sur le voyage (itinéraire, mise à jour du site internet…). Mine de rien ce travail nous demande beaucoup de temps. Pour l’itinéraire par exemple, nous le réajustons en fonction de l’obtention ou non des visas, notre état de forme, nos intérêts, ce qui se passe dans un pays… C’est une remise en question récurrente. Par exemple, à ce moment deux questionnements : où ferons-nous notre visa chinois ? (traduction = où avons nous une chance de l’obtenir?). Et pour rejoindre Taïwan, étant entendu que nos relances à une célèbre compagnie de croisières pour travailler sur leur bateau gratuitement en échange de la traversée jusqu’à Taïwan restent sans réponse, comment rejoindrons-nous ce pays sans avion ? D’un autre côté il y a le travail sur le site internet, les écritures des articles que nous ne souhaitons pas torchonner (d’où le temps important pour leurs rédactions), la mise en page, les petites nouvelles à nos proches. Tout cela est un immense plaisir mais qui requiert du temps que des fois nous peinons à prendre. En milieu d’après-midi nous sortons pour nous aérer. Le centre de Yokohama est décidément sans charme, hormis son exotique quartier chinois qui amène, avec ses lanternes et son beau dragon, de la couleur et de la gaîté dans quelques rues de la ville. Barbara profite de cette ballade pour s’offrir une glace, nous faisons quelques photos puis nous rentrons tranquillement à notre hôtel-capsule. Bon, finalement, Barbara prend le partie de quand même aller se laver malgré « l’interdiction ». Au début rasant les murs pour se faire oublier mais en fait la salle de bain étant absolument déserte ça lui permet de profiter du bain à bulle pour elle toute seule. Alors tatouage ou pas tatouage, il n’y a que les carreaux de la faïence qui peuvent le remarquer !
Le soir, nous faisons nos sacs car le lendemain matin nous allons découvrir Tokyo !