Du 13 au 18 septembre 2017 : Azerbaïdjan (Baku et Alat) – du 18 au 22 septembre : Kazakhstan (Aktau et Beïneu)
Récit d’une traversée pas comme les autres
Nous ne pensions pas que cela se reproduirait aussi rapidement, mais comme notre détour en Géorgie et Arménie, nous voilà en route pour l’Azerbaïdjan. Il est de ces pays que nous ne pensions pas traverser dans notre vie et qui nous est totalement méconnu. Il est 7h30 et nous sommes à la frontière, à Astara. Après avoir roulé la nuit entière, le chauffeur de bus nous fait descendre. Il explique aux trois iraniens avec nous qu’il faut traverser quelques rues puis la frontière à pied. Jamshid parle un petit peu anglais et nous traduit tout cela. Les deux autres sont son frère et un ami. Le bus nous attendra de l’autre coté.
La frontière n’ouvrant qu’à 9h, il y a le temps pour prendre un petit déjeuner. Nos amis iraniens s’attablent dans un restaurant et commandent. Nous restons dehors prétextant n’avoir pas faim. La réalité est toute autre, nous n’avons plus de rials (monnaie iranienne), nous avions compté juste pour ne pas avoir à les échanger. Mais c’est sans compter le savoir vivre et l’hospitalité des iraniens. Bientôt apparaissent à notre table, du thé fumant dans cette matinée fraîche, corbeille de pain et deux assiettes avec des omelettes à la tomate. Jamshid nous dit souriant : « Vous êtes mes hôtes, mangez ! ». Comme d’habitude quand cela arrive, nous sommes tout gênés mais heureux de manger ce délicieux repas. La gêne vient du fait que nous ne voulons pas « profiter » de l’autre, mais elle est très vite remplacée par le plaisir d’offrir de l’autre. Refuser son geste serait comme refuser son aide, sa bienveillance, son attention envers nous. Au contraire l’accepter marque encore plus notre lien éphémère, la mémoire de ce moment. Merci de ta gentillesse Jamshid.
A la fin du repas, nous échangeons quelques dollars contre plusieurs Damats (monnaie de l’Azerbaïdjan). Le ventre plein, nous allons attendre l’ouverture de la frontière. Il y a déjà beaucoup de monde qui attend et c’est de plus en plus la cohue. Nous continuons d’échanger avec les trois iraniens notamment sur nos modes de vies. En même temps, nous attendons l’ouverture un peu inquiets. Notre petit détour fort sympathique par l’Arménie peut en effet nous poser des problèmes maintenant. L’Azerbaïdjan et l’Arménie sont en conflit à cause du Haut-Karabagh, les deux pays revendiquant cette région. C’est une guerre qui aujourd’hui n’est toujours pas résolue, mais qui est supposée être en cessez-le-feu depuis 1994. Cela arrive régulièrement qu’il y ait quelques combats et des tirs échangés entre les deux pays dans cette région. Dans ce climat tendu, avec notre court séjour arménien, nous ne sommes pas sûrs de pouvoir entrer sur le territoire azéri, bien que nous ayons un visa valide pour le pays.
La frontière ouvre, bousculade. Les iraniens nous quittent car ils doivent aller faire leurs visas. Nous passons la frontière iranienne avec un petit interrogatoire (n’oublions pas que c’est l’Iran, ça ne rigole pas…). Le jeune soldat en service militaire qui est envoyé par ses supérieurs pour nous poser quelques questions (car il est sûrement le seul à parler correctement anglais) n’est pas très à l’aise, mais gentil et heureux de parler avec des français. Après quelques questions, un de ses supérieurs lui dit que c’est bon, ça suffit, qu’il se dépêche. Notre soldat, qui voulait juste bien faire son travail, s’en va tout penaud faire tamponner nos passeports. A peine sortis, nous retrouvons un des deux conducteurs du bus qui s’impatientait de ne pas nous voir arriver. Nous allons attendre dans le véhicule car les iraniens n’ont toujours pas passé le côté iranien. Une fois qu’ils arrivent, nous passons la frontière matérialisée par un pont au dessus de la rivière Astara, autrefois frontière avec l’URSS. Mais nous ne sommes pas encore officiellement entrés en Azerbaïdjan. Entre le contrôle des passeports, fouille minutieuse du bus (à l’inverse de nos sacs à peine scannés), nous ne repartirons qu’après 11h. Les conducteurs du bus s’agacent, les douaniers leur font tout sortir : chaque bidon, chaque sac, caisses à outils… Tout y passe. Pour notre part, nous avons le droit à des questions sur notre séjour en Arménie : Par où êtes vous passés ? Avez vous des photos (mais non ! Bien-sûr que nous n’avons pas de photos, voyons!). Avec la succession des questions, nous sortons la carte de notre voyage pour expliquer notre trajet. Nous faisons les innocents et nous recevons notre tampon d’entrée. Une fois tout rechargé dans le bus, nous repartons en direction de Baku. Ce passage de frontière n’était pas si désagréable car il signifie : la liberté ! Durant le remue-ménage des douaniers pour faire vider le bus, Barbara en a profité pour aller aux toilettes et faire péter le t-shirt et enlever le voile. Elle revient cheveux au vent en sautillant de joie. Les petits chats sur son t-shirt sont tout contents aussi et dansent la lambada (haha!).
Nous avons quelquefois entendu parler de Baku, la capitale, durant notre périple. Alors nous sommes très intrigués tout en étant plutôt néophytes sur ce que nous allons découvrir. Pour l’instant le changement avec l’Iran est saisissant : il y a du vert ! Des arbres, de l’herbe, des champs, des potagers. La campagne regorge de vergers. Il y a des vaches, des chevaux, des poules et des oies qui traversent la route. Les voitures sont majoritairement des vieilles lada, plus petites que nos standards actuels. Nous avons tout simplement l’impression de faire un saut dans le temps ! Les femmes avec leurs foulards colorés autour de la tête, les hommes qui vendent du poisson à la main levée (quand celui-ci n’attend pas patiemment dans une baignoire en bord de route…). Les étales de fruits et légumes sont nombreux. De toutes les configurations imaginables, aucune ne correspondait à celles-là ! La route n’est pas toujours très bonne au milieu de ces villages et champs où les gens travaillent en plein soleil. Nous prenons une autoroute, un peu meilleure et qui traverse désormais une étendue désertique. Sur la droite, la mer Caspienne, plate, avec des plates-formes pétrolières, en activité ou à l’abandon, qui la ponctuent.
Le contraste est encore plus ahurissant quand nous arrivons à Baku : la ville est extrêmement moderne et très occidentalisée : gratte-ciels, métros, parcs, fontaines, boutiques. Nous avons la forte impression d’être arrivés à un faux-semblant de Londres (les taxis sont comme ceux de la capitale anglaise). Nous en avons plein les mirettes ! Nous sommes particulièrement impressionnés par les voitures : audi, mercedes, 4×4 haut de gammes, berlines neuves, voitures de sports… Après avoir vu des 405 pendant 3 semaines cela nous change. Aussi, ce sont les rapports aux gens. Nous arrivons à la gare routière. En descendant du bus, l’habituelle nuée de chauffeurs de taxi. Nous déclinons car nous voulons prendre le métro. Les chauffeurs de taxi nous disent : no métro, même les iraniens de notre bus nous disent qu’il n’y a pas de métro. C’est vraiment pas croyable ! Si ! Il y a un métro c’est marqué sur la carte. Nous mettons nos sacs sur notre dos et allons nous renseigner. Nous demandons à une dame, elle s’empresse tout de suite de nous indiquer la direction de l’entrée de celui-ci. Un peu perdus dans la gare, nous redemandons et pareil la personne nous indique directement le chemin. A peine arrivés pour les tickets que le jeune homme de sécurité, nous propose son aide pour acheter une carte rechargeable à la machine. Le prix est défiant toute concurrence : pour 1euro vous avez 5 voyages ! Il nous montre aussi où nous devons changer de ligne sur le plan. Nous rencontrons un couple fort sympathique de polonais qui nous confirment la gentillesse des azéris, très respectueux et disponibles partout où ils ont été. Quand nous croisons les gens, nous ne sommes pas dévisagés. Nous sommes heureux d’être revenus à des rapports humains plus communs.
Une fois dehors, nous devons un peu marcher. Nous traversons de grandes avenues, des parcs où des jeunes font du skate. Ça nous fait tout drôle, nous avons l’impression d’être chez nous, dans une ville en France. Arrivés à l’auberge, c’est moins amusant. Il y a un problème avec la chaudière et il n’y a pas d’eau chaude. Après une nuit et une journée de bus nous nous serions bien douchés. Tant pis, nous sortons manger et découvrir la ville de nuit. Nous sommes au centre des rues piétonnes éclairées par des illuminations. Nous nous laissons tenter par un restaurant aux allures de bistrot parisien. Le cadre et la musique font peu authentique, mais après 3 semaines principalement de falafels et de kebabs cela nous fait du changement. Le service est long et cela nous donne le temps d’observer ce qui se passe autour de nous. Ce qui nous saute le plus aux yeux et que nous constaterons le lendemain dans les rues : les gens sont très bien habillés. Des femmes élégantes, élancées et à la pointe de la mode. Deux jeunes filles sont attablées derrière nous, rouge à lèvre bordeaux, habillées en noir, simple, efficace, sans une faute de goût. Ce qui est remarquable aussi : les femmes portent les cheveux longs, détachés, après nos semaines d’abstinence capillaire ça nous rend tout chose. Nous admirons ces magnifiques crinières voler au vent.
Pour comprendre un peu la situation de l’Azerbaïdjan, un peu d’histoire et de géographie. Le pays a des frontières avec l’Iran, l’Arménie, la Géorgie, la Russie et est bordé par la mer Caspienne. Cette situation lui permet de bénéficier d’un grand mélange culturel au carrefour entre l’Europe, la Russie, le Moyen Orient et l’Asie. Le pays est souvent appelé « petite Turquie » car les deux pays ont la même culture, partage la même famille linguistique et ont toujours eu des liens très forts. Les romains appelaient la région « terre de feu » tant elle contient de gisements de pétrole et de gaz, qui parfois s’enflamment avec la chaleur. Le pays est riche depuis longtemps grâce à son exploitation pétrolière et a retrouvé son indépendance depuis la chute de l’URSS. La religion et l’État sont séparés ce qui en fait une République laïque. En effet, bien que majoritairement musulman, l’Azerbaïdjan avait dès la proclamation de sa première République en 1918 instauré des lois comme le fait que le régime soit laïque, ou encore le droit de vote des femmes (par contre dès 1922 le pays est intégré à l’Union Soviétique). Mais nous n’oublions pas que l’Azerbaïdjan est aussi dénoncé par Reporters Sans Frontières comme un des pires pays pour les libertés de la presse (emprisonnement de journalistes et d’opposants politiques). Au moment de notre séjour, le pays attaque en justice (en France) deux journalistes français (dont Elise Lucet) pour diffamation au motif qu’ils auraient qualifié le pays de dictature dans une de leur émition. Les journalistes ont leurs justifications. De notre point de vue, ce procès nous inquiète car s’il venait à être remporté par le pays, il serait une exportation des atteintes de la liberté de la presse sur notre territoire. Par ailleurs, comme nous l’avons constaté un peu plus haut, les différences entre Baku et le reste du pays sont très importantes. Baku est ultra moderne alors que le reste du pays est très rural. Vous sortez de la capitale et vous retournez 30ans en arrière. Hélas nous ne resterons pas assez longtemps dans le pays pour en découvrir vraiment les facettes, se faire un réel avis de terrain. Ce qui est certain, c’est que notre court séjour nous à donné envie d’y revenir.
Le lendemain matin, la jeune femme de la réception nous annonce que normalement le bateau part demain (il y a un départ par semaine et on ne sait jamais quand il est). Elle rappellera le port pour nous le confirmer. Cela nous laisse une seule journée pour visiter la ville. Nous commençons par aller dans la vieille ville qui a des vestiges du Moyen Âge, dont la tour Maiden. Nous ne visitons pas beaucoup, la fatigue du bus se fait ressentir. Nous nous baladons le long de la mer, du pétrole clapote sur la rive bétonnée. De là, en fond nous apercevons les tours de Flamme au nombre de trois. Très ondulées dans leurs courbes, elles donnent un accent « Dubaï » à la ville. D’autre part, la propreté est impressionnante, le nombre d’immeubles en pierre de taille surprenant. Ce qui nous « choque » le plus, c’est que les voitures s’arrêtent pour nous laisser traverser ! (après 3 semaines d’Iran encore une fois…car là bas le piéton n’est pas prioritaire). Et puis il y a aussi le fait qu’avec nos vêtements de voyageurs, nous sommes immédiatement identifiables tant les azéris sont superbement habillés. Notre journée visite se transforme surtout en journée shopping ! A Baku nous nous sentons légèrement comme à Paris alors nous refaisons le plein de petites choses que nous n’avions plus. Dentifrice, brosses à dents, shampoing, carnets à dessin. Bien sûr, vous en trouvez dans n’importe quel pays, c’est juste que nous sommes heureux de retrouver des produits de qualité française. Les cheveux de Barbara sont tout abîmés par le port du voile (avec le frottement, les cheveux s’emmêlaient et se sont tous cassés), elle s’autorise de s’offrir un masque pour prendre soin de sa chevelure. Nous avons aussi la bonne surprise de tomber sur un rayon de littérature française dans une librairie : Proust et Dumas rejoignent nos sacs.
Vendredi 15 septembre, c’est confirmé, le bateau pour Aktau (Kazakhstan) partira ce soir. Nous devons nous rendre au port de Baku afin d’acheter les tickets, puis nous rendre au port de Alat (70km au sud de la capitale) pour prendre le bateau. Nous allons au port en passant par le bord de mer et voyons le circuit de formule 1 (comme celui de Monaco, il est dans la ville). Nous avons du mal à trouver mais nous y arrivons. Un homme est là, casquette et t-shirt troué. Maksim vient d’acheter son billet (nous le retrouverons plus tard). Au guichet, on nous dit que l’embarquement se fera vers 1h du matin. Cela nous laisse une partie de la journée. Nous faisons nos sacs, cherchons un endroit où retirer des dollars, préparons notre trajet après la traversée…
A 16h nous prenons le bus qui nous emmène à l’extérieur de la ville. Dès que nous en sortons, des champs de pompes pétrolières apparaissent, et même des plus petites plongent leurs têtes dans des jardins particuliers ! Au terminus, au son des encouragements d’azéris, nous prenons un autre bus qui va jusqu’au port d’Alat. Une dame se serre et nous fait de la place gentiment pour que nous posions nos sacs à ses pieds car le bus est plein à craquer. C’est un passager qui s’occupe de transmettre l’argent des autres au conducteur. Après 1h30 de trajet, le conducteur nous dit de descendre, que le port est là-bas au fond de l’autre côté de la route. Alors nous descendons, le détail particulier est qu’il fait nuit noire, et du bord de l’autoroute nous voyons bien des lumières. Mais entre elles et nous c’est un vaste espace obscur. Dans ces situations, il y a presque toujours un « sauveur du soir » (clin d’œil aux écrivains-aventuriers Sonia et Alexandre Poussin). Un monsieur est descendu en même temps que nous. Il nous demande si nous allons au port. Lui y va, nous le suivons. Mamadov a la cinquantaine, le rire contagieux et le cœur débordant de compassion. Il a 3 enfants et la religion l’a sauvé d’une addiction négative. Après 30 minutes de marche, nous sommes au port d’Alat. Merci Mamadov, la promenade était vraiment sympathique. Nous avons compris qu’il travaille sur le bateau (notre hypothèse est qu’il est médecin car il nous répète plusieurs fois : « professeur gul »), nous nous quittons mais nous nous retrouverons un peu plus tard…
Il est 20h30, les gardes frontières nous disent que le bateau n’est pas là, il arrivera plus tard. Nous savons que les horaires du ferry sont très hasardeux. En attendant demi-tour, il nous faut aller de l’autre côté. C’est un immense parking de plusieurs dizaines de camions endormis. Au bout d’une rangée de semis, dans un coin, quelques silhouettes ont l’air d’être des voyageurs. Bien vu ! Nous découvrons assis autour d’un thé quelques backpakers venus prendre aussi le ferry. Nous faisons la connaissance de nos futurs colocataires des 3 prochains jours : un couple d’italiens Filippo et Francesca, arrivés à 5h du matin, qui font un tour du monde en Lambretta; un couple d’allemands Andréa et Marianna qui font un voyage semblable au notre, sans avion jusqu’en Australie; et Maksim qui est russe et que nous retrouvons (rencontré à l’achat du billet). Nous nous asseyons avec eux en attendant l’embarquement et en partageant un dîner. Un peu plus tard nous apprenons que le bateau n’est toujours pas là, mais qu’il devrait arriver vers 2h du matin. Puis, l’information change, arrivée prévue à 4h du matin. Nous avons compris, nous voilà partis pour passer la nuit ici. Nous sortons matelas et affaires chaudes pour dormir sous les étoiles. Si le bateau doit arriver, ils nous réveilleront.
C’est le soleil qui nous réveille, donc aucun ferry à l’horizon. Pour le petit déjeuner, dans un préfabriqué, il y a une sorte d’épicerie qui vend du pain, des gâteaux, des fruits et de l’eau. Nous faisons de l’eau chaude pour le thé avec notre réchaud à bois. Par chance le bois est bien sec, nous arrivons rapidement à faire bouillir l’eau. Il fait très beau, nous sommes en bonne compagnie, nous avons de quoi manger. Nous sommes bien quoi !:D Notre petite vie s’organise, Maksim nous offre le midi. La journée passe tranquillement, nous parlons, lisons, écrivons ou dessinons. Un des conducteurs nous surprend à dessiner son camion, il est plus qu’heureux ! En plus il est turc, nos petits souvenirs de vocabulaire le comble d’autant plus. Yasar est conquis, il nous présente ses collègues conducteurs de camions qui attendent eux aussi. Après avoir eu le droit à des succulents beignets « faits camions », nous sommes invités à prendre le thé avec eux. Les camionneurs étant tout le temps sur la route, ils ont tous leur petite cuisine avec eux dans la trappe sur le coté. Nous voilà installés comme des rois sur sur des petits tabourets entre deux camions d’Orient express. Ils sont 3 à nous offrir le thé turc dans des verres authentiques. Nous communiquons avec des bouts de phrases, des gestes et des photos. Nous apprécions les turcs pour cela, l’échange simple et respectueux au moment du thé.
Seul absent de la journée : le ferry. Pourtant la mer Caspienne est d’une platitude ennuyante, nous nous amusons en nous disant qu’ils ont réussi à le perdre. Dire qu’il s’agit simplement d’une seule liaison maritime. La journée s’écoule jusqu’au soir sans information stable. Le soir arrive à l’inverse du ferry, alors nous nous couchons pour une 2ème nuit. Vers minuit, nous sommes réveillés par les pleins phares d’une voiture. Le bateau est là, il faut aller embarquer. Passage de la frontière azéri et nous voilà à bord. On nous donne nos draps et nos cabines. Petit souci avec les allemands et les italiens, nous sommes les seuls à avoir des cabines sans fenêtres. C’est pas que nous voudrions faire nos bourgeois d’occidentaux qui veulent la vue sur la mer, c’est juste qu’il fait 40degrés dans nos cabines ! C’est à la limite du supportable. Mais impossible de changer toutes les autres sont pleines. Bon, va pour le sauna, nous sommes trop fatigués pour protester plus longtemps.
La vie à bord est réglée par les heures des repas : 8h-12-19h. Les repas sont étonnamment bons, en plus toujours accompagnés de soupe. Entre ces heures là, nous pouvons prendre des douches, se servir du thé quand on veut, se balader presque partout. Il n’y a que le temps à passer. S’allonger sur le pont et savourer le vent frais sur la peau, regarder l’horizon et les plates- formes pétrolières. Nous le passons en compagnie des italiens, des allemands, de Maksim, des chauffeurs de camions turcs et azerbaïdjanais. La journée est douce, nous adorons ! Nous en profitons pour enquêter si d’aventure un routier pourrait nous amener jusqu’à Beyneu. Personne. Un d’eux, plus drôle, nous fait un signe avec sa main au niveau de ses oreilles : de l’après rasage ? Non, du parfum ? Non. C’était un signe pour nous offrir un petit verre de vodka ! Le soir après manger, nous sortons sur le pont supérieur. Au milieu de la mer, sans lumière nous entourant, cela nous permet de voir clairement la voie lactée et les étoiles. C’est magique. Après ce beau spectacle, nous partons rejoindre notre cabine…et croisons Mamadov ! Toujours avec son petit rire amical, il n’est pas médecin mais marin (et professeur gul est le nom du bateau). Il fait la ronde de nuit. Il nous demande si tout va bien, il ajoute discrètement la question si nous avons vu la cabine de pilotage ? Non ! Il nous fait signe de le suivre, après avoir demandé la permission il nous y introduit. Le 3ème sous officier est là et nous fait même la visite de l’espace, expliquant toutes les commandes illuminées. C’est incroyable ! Après les belles lumières naturelles du ciel, les lumières artificielles des commandes de pilotage ! Merci mille fois Mamadov pour ce petit moment. Deux moments exceptionnels grâce à toi !
C’est très tôt qu’il faut se lever pour débarquer à Alat. Avant cela, les gardes frontières montent à bord et veulent que tout le monde vide son sac à dos. Andréïa et Aurélien sont les premiers, puis Barbara. Mais cela prend tellement de temps que le supérieur leur dit que ça suffit on remballe et on descend. Haha ! Ils ne sont pas où bout de leurs peines, Aurélien a sorti toutes ses affaires. Il lui faut un bon moment pour refaire son sac. Le poste de frontière est passé facilement et nous voilà au Kazakhstan. Nous avons pour but de rejoindre Beineu, de là nous y prendrons le train pour l’Ouzbékistan. Nous nous disons qu’avec la quantité de camions, il y en a bien un qui va dans cette direction et pourra nous amener. En réalité, même pas besoin de demander. Maksim qui souhaite faire le même trajet a demandé à son colocataire de cabine s’il accepte de nous emmener car c’est sa route. Il dit oui avec plaisir. Muslim est tadjik mais travaille à Moscou, il est un des rares passagers en voiture. Le débarquement des véhicules est très long. Nous l’attendons au café à la sortie de la douane. Nous disons au revoir à Marianna et Andréïa qui vont prendre le train jusqu’à Almaty, Filippo et Francesca partent avec leur lambretta. Ils rejoignent l’Ouzbekistan par la même route que nous.
Notre chauffeur arrive. Nous n’avons jamais fait du stop de manière aussi royale : sa voiture est une berline immense et hyper confortable. Muslim nous ouvre le coffre de sa voiture, nous pouvons largement faire rentrer nos 3 sacs de voyageurs. Maksim devant et nous installés derrière, nous voilà en route pour Beineu ! Muslim ne parle pas très bien anglais mais Maksim nous fait la traduction. Il ne donne pas trop de détails sur son travail mais nous comprenons qu’il est haut gradé militaire. Au début réservé, il se révèle très heureux d’avoir de la compagnie. Nous qui rêvons d’un jour aller au Tadjikistan, en partie pour arpenter le Pamir, il est une superbe introduction à son pays. Avec Maksim ils ont de longues discutions sur la situation politique des ex pays de l’URSS. Cela doit être très intéressant car ils sont d’univers très différents. Maksim a 35ans mais il en paraît 25. Il voyage seul avec peu d’affaires et surtout peu d’argent. Il vit de petits boulots notamment de peintures. Il est végétarien et pratique le yoga. Il nous a beaucoup fait pensé au gars dans Into the wild. Muslim est militaire, marié, des enfants, une belle voiture. Ce moment est une des plus belles facettes de l’auto-stop, c’est à travers ce mode de voyage que ces deux personnes (et nous) si différents se retrouvent dans le même véhicule à échanger. Leurs conversations ont l’air d’être riches.
Aride, peuplé de chameaux et dromadaires. Nous sommes tout excités ! Le plus impressionnant sont les cimetières, on croirait des mini-villes saintes tant ils sont étendus et remplis de mausolées ! La route parfois se transforme en tronçons pierreux. Nous nous arrêtons pour manger. La nourriture est délicieuse et Muslim nous offre le repas malgré notre volonté première de lui offrir pour le remercier. Déjà qu’il nous offre notre plus long trajet en stop que nous ayons fait avec une seule voiture, en plus il nous offre à manger. Nous ne sommes pas d’accord, mais il insiste sur le fait que cela lui fait vraiment plaisir. Décidément, il restera dans les personnes les plus généreuses que nous ayons rencontrées. Il nous rappelle beaucoup le papa d’Aurélien par ses attitudes. Sur la route, nous croisons une dernière fois la lambretta dont un pneu a crevé. Après 500km, nous arrivons à Beineu (ou Beïnéou). Nous disons au revoir à notre charmant Muslim, qui comme un père refuse de nous laisser seuls tant que nous n’avons pas trouvé l’hôtel. Avec Maksim, nous allons au premier que nous trouvons. Mauvais choix, c’est sale, infesté de moustiques. Barbara dormira carrément dans la tente et laisse Aurélien à la merci des volatiles.:)
Le lendemain, 19 septembre, nous disons au revoir à Maksim. Adorable compagnon de voyage. Nous partons à la recherche d’un autre hébergement. Cela n’est pas forcément évident. Beineu est une petite ville, pas touristique. La ville a des faux-airs de western américain avec ses rues poussiéreuses, ses maisons de bois et sa chaleur. Il y a bien plusieurs hôtels mais ils ne sont pas forcément évidents à trouver. Nous demandons aux gens dans la rue. En ayant traversé la mer Caspienne, les visages ont complètement changé. Ici, ils les personnes sont davantage typés Asie de l’Est, avec le regard plus fin, la forme pointue vers le menton. Mi-indications mi-hasard nous trouvons un hôtel. La réception est jolie, la chambre propre, les sanitaires très bien. Nous avons même une bouilloire dans notre chambre. Le prix est sensiblement le même que notre taudis de la veille. Nous nous installons confortablement. Nous devons attendre 3 jours avant de passer la frontière ouzbek car notre visa commence le 22. Alors nous profitons de notre chambre pour écrire nos articles, faire notre itinéraire en Ouzbékistan, laver nos vêtements.
Nous achetons nos billets de train pour le 22. Puis allons au commissariat pour nous faire enregistrer car c’est ce qui est noté sur la carte d’immigration que nous avons eu à la frontière. Au commissariat, on nous fait comprendre qu’ici ils ne peuvent rien faire, il faut retourner au port d’Alat pour nous faire enregistrer. Euh… c’est à 500km. Après des conversations sans queue ni tête nous repartons en réfléchissant. Nous n’allons pas retourner à Alat pour ça. Nous avançons donc notre billet train pour le 21, vu que le train est de nuit. Nous arriverons en Ouzbékistan le 22 et nous serons sortis du Kazakhstan dans les 5 jours sans avoir besoin d’enregistrement. Sauf qu’en rentrant nous cherchons les informations sur internet. Nous comprenons la situation. Nous avons déjà été enregistrés et c’est la carte d’immigration que nous avons qui nous le prouve. Alors que nous nous sommes embêtés pour rien. Mais le comble c’est qu’au commissariat personne ne savait que le papier qu’on leur montrait prouvait notre enregistrement. L’administration, c’est toujours un plaisir ! Bon, nous n’allons pas ré-échanger nos billets de train. Nous décidons de partir plus tôt. Nous nous levons à 1h du matin. Sur le ticket, le train part à 4h donc 3h, heure de Beineu, car les trains sont à l’heure d’Astana (la capitale). Et il faut arriver avant. Une fois à la gare, le train est déjà à quai. Nous nous installons. Le train part, direction l’Ouzékistan !